La sentenza del Tribunale Permanente dei Popoli sul caso Algeria

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Sommaire

Les
membres du jury

Discours d’ouverture de la
session

1. Le cadre de référence

1-1.
La saisine du Tribunal

1-2.

Documentation et témoignages

1-3.
Textes juridiques de référence

1-3-1.
Textes internationaux

1-3-2.
Déclaration universelle des droits des peuples, Alger,
4 juillet 1976.

1-3-3.
Textes algériens

2.
Le contexte historique, politique, économique et social

2-1.
Les espoirs déçus de l’Indépendance

2-2.
L’éphémère libéralisation des
années 1989-1991

2-3.
1992 : le début d’une guerre meurtrière

2-4.
Le contexte international

3.
Un système qui érige l’État de non-droit

3-1.
L’interruption du processus électoral et ses
conséquences immédiates

3-2
Un organe d’exception légifère en violation des
principes de l’État

de
droit……………………………………………………………………………

3-3.
La mise sous tutelle de la justice et les juridictions d’exception

4.
Les structures de la répression

4-1.
Une guerre conduite par un groupe restreint de généraux

4-2.
La Direction du contre-espionnage (DCE) du DRS

4-3.
La Direction centrale de la sécurité de l’armée
(DCSA) du DRS

4-4.
Le Centre de conduite et de coordination des actions de lutte
antisubversive (CCC/ALAS)

4-5.
La Police judiciaire

4-6.
Les milices

4-7.
Les « escadrons de la mort » du DRS

5.
La violence comme système de gestion de la société

5-1.
Les massacres

5-2.
La violence des groupes armés

5-3.
La torture

5-4.
Les disparitions forcées

5-5.
Les violences et discriminations à l’égard des
femmes

5-5-1.
Les femmes victimes de la violence

5-5-2.
La défaillance des pouvoirs publics

5-5-3.
Le drame des épouses de disparus

5-5-4.
La discrimination institutionnalisée : le Code de la
famille

6.
Argumentation juridique

6-1.
Les violations du droit algérien

6-1-1.
L’illégalité de l’interruption du processus
électoral et de l’état d’urgence

6-1-2.
L’illégalité de la mise sous tutelle de la
magistrature


6-1-3.
La manipulation des élections

6-2.
Les violations du droit international et des conventions ratifiées
par

l’Algérie

6-2-1.
Crimes contre l’humanité et crimes de guerre

a)
Les massacres de populations

b)
Les disparitions forcées

c)
Les tortures

d)
Les crimes de viol

e)
Sur l’imprescriptibilité de ces crimes contre
l’humanité

6-2-2.
Les assassinats individuels et les exécutions
extrajudiciaires

6-2-3.
Sur la poursuite de la violence

7.
Conclusions

7-1.
La nécessité de mettre fin au caractère
institutionnel, discrétionnaire et justifié par la
raison d’État, des violations des droits de l’Homme

7-2.
Les mesures qui s’imposent pour favoriser un véritable
processus de démocratisation en Algérie

7-2-1.
La nécessité de mettre fin à l’impunité

7-2-2.
La nécessité de soumettre le pouvoir militaire au
pouvoir politique, au respect de la loi et des droits fondamentaux
des citoyens et du peuple algérien

7-2-3.
La nécessité de mettre fin à l’état
d’urgence, d’abroger les lois exceptionnelles en
contradiction avec les droits fondamentaux, ainsi que le Code de la
famille

7-2-4.
La nécessité pour l’Union européenne
d’imposer à l’Algérie le respect des droits
fondamentaux

Annexe
1

A)
Dossiers « violations des droits humains »

B)
Dossiers « contextuels »

C)
Dossiers « documents de base »

Chronologie
générale, 1988-2004

1.
Textes officiels algériens : Constitution, lois et
décrets (1989-2003)

2.
Sélection de textes politiques algériens (1989-2001)

3.
Sélection de rapports sur les violations des droits de l’Homme
et des droits économiques et sociaux (1995-2003)

4.
Autres documents

5.
Livres de référence

Annexe
2 : Le déroulement de la
session..


Les membres du jury

* Salvatore Senese (italien), magistrat, président du
Tribunal Permanent des Peuples, membre de la Cour
suprême de cassation.

* Sihem Bensedrine (tunisienne), journaliste, porte-parole du
Conseil national des libertés en Tunisie.

* Luigi Ferrajoli (italien), professeur de théorie
générale du droit à la Faculté de droit
de l’Université de Rome 3.

* Burhan Ghalioun (syrien), professeur de sociologie politique
à la Sorbonne nouvelle-Paris III, Directeur du Centre d’études
sur l’Orient contemporain.

* Franco Ippolito (italien), magistrat à la Cour
suprême de cassation.

* Luis Moita (portugais), professeur de sociologie des
relations internationales, vice-recteur de l’Université
autonome de Lisbonne.

* Ignazio Juan Patrone (italien), magistrat, juge assistant à
la Cour constitutionnelle italienne, membre du groupe Magistratura
democratica, président de l’Association des magistrats
européens pour la démocratie et les libertés
(MEDEL).

* Werner Ruf (allemand), professeur émérite de
relations internationales de l’Université de Kassel.

* Philippe Texier (français), magistrat à la
Cour de Cassation, membre du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels de l’ONU.


Gianni Tognoni
(italien), secrétaire général du Tribunal
Permanent des Peuples.

Discours d’ouverture de la session, par le
Président du Tribunal Permanent des Peuples, M. Salvatore
Senese

En ouvrant
cette session du Tribunal Permanent des Peuples (TPP),
il convient avant tout de remercier tous ceux qui l’ont rendue
possible par leur travail, leur dévouement, leur aide morale
ou materielle. La liste serait bien longue. Je ne nommerai que la
Mairie du 12ième arrondissement qui met à
notre disposition un lieu public , une enceinte de débats
libres et démocratiques.
Le TPP est
la continuation, voulue par Lelio Basso qui en fut l’inspirateur,
du Tribunal Russell II sur l’Amerique latine.Créé
et présidé par Lelio Basso lui-même, le Tribunal
Russell II tint trois
sessions, à Rome, à Bruxelles et encore à Rome,
dans les années ’70, au moment où tout le
continent latino-americain était sous la botte
de sanglantes dictatures militaires
et le Brésil affichait aux yeux du
monde l’image d’un pays pacifié où
les investisseurs étrangers pouvaient trouver la paix sociale,
une main d’oeuvre à bas prix, et de grandes richesses
naturelles.
La
constitution du TPP date du 23 juin 1979, quelques mois après
la disparition de Celui qui l’avait conçu. Son Président
a été, pendant plus de vingt ans, le Prof. François
Rigaux, l’un des juristes
européens les plus éminents, connu dans le monde
entier. A Lui qui continue de soutenir le TPP de ses conseils, de sa
sagesse et de son esprit épris de vérité et
justice, et qui nous a encouragés dans la préparation
de cette session, nous adressons ici notre hommage reconnaissant.
Ce
tribunal est un tribunal d’opinion qui n’a d’autre
ambition que de contribuer, si peu que ce soit, à la lutte
contre les injustices et les torts qui sont infligés aux
peuples et aux individus qui les composent ; injustices qui,
pour ne pas faire la une
des médias et des grands débats internationaux, n’en
sont pas moins chargées
de lourdes souffrances par
rapport à d’autres drames qui émeuvent l’opinion
publique.
Le mot
« tribunal » évoque l’idée
de justice. Et la justice évoque la sanction mais aussi la
mémoire.

Le TPP n’a
à sa disposition aucune sanction. La seule sanction qu’il
peut préconiser est une sanction morale qui fait appel aux
sentiments les plus élémentaires d’humanité,
à ce substrat ético-émotionnel commun à
tout être humain au
délà des différences de civilisation, et qui
fait ressentir comme insupportables certaines atteintes à la
dignité de la personne, quel que soit la culture, les
traditions, l’histoire de chacun.
C’est
d’ailleurs sur ce
dépôt que repose la Déclaration universelle des
Droits de l’Homme.
Mais cet
appel au noyau d’humanité
qui est commun à
tous, exige que les faits soient soustraits à l’oubli.

Le TPP est
donc, et surtout, un outil de la justice-mémoire.
Cette
session, comme maintes autres de notre Tribunal, a surtout l’ambition
de soustraire à l’oubli les souffrances de centaines de
milliers de victimes et de leurs proches.

Elle est
consacrée au peuple algérien et aux sanglantes
déchirures qui le parcourent. Elle veut, avant tout, faire
sentir à ce peuple que de ce côté de la
Méditerranée on n’accepte pas sans discuter
l’image officielle d’un pays normalisé, vivant
dans un régime démocratique et dans un Etat de droit.
Nous nous
pencherons donc sur la violence qui ravage la societé
algérienne depuis plus de quinze ans et qui a fait des
centaines de milliers de victimes.

Officiellement,
cette violence est presentée comme le fait de groupes
islamistes fanatisés qui s’opposent à la
démocratie et à ses règles
et prétendent instaurer dans le pays un Etat
totalitaire régi par une version obscurantiste et intolérante
de la Sharia. A cette violence, selon le discours officiel, l’Etat
algérien se devait de faire face par le recours à
l’état d’exception et à la suspension des
garanties démocratiques fondamentales.
Mais le
TPP doit se demander si la réalité n’est pas en
fait beaucoup plus complexe ; si vraiment la violence est
seulement le fait de groupes qui se réclament d’
une version fanatique et intolérante de l’Islam, ou si
elle est aussi, et peut-être à plus forte mesure, le
fait de l’Etat, de ses services de sécurité et
de leurs auxiliaires. Il faut encore se demander si cet Etat
ne s’est pas systèmatiquement livré à una
série de pratiques en flagrante violation des droits humains
les plus élémentaires au point que, dans un rapport de
Amnesty International de 1996, on peut lire :
«
Les exécutions extrajudiciaires, les homicides
délibérés et arbitraires, les ‘disparitions’,
le recours à la torture, les enlèvements et les menaces
de mort font partie de la réalité quotidienne en
Algérie.......Cette liste n’est pas exhaustive....Alors
que les affrontements opposant les forces de sécurité
aux groupes armés d’opposition qui se définissent
comme ‘des groupes islamistes’ n’ont pas cessé,
des homicides et d’autres atteintes aux droits de l’homme
sont perpétrés par l’un ou l’autre camp au
nom de la ‘lutte antiterroriste’ ou de la ‘guerre
sainte’ et la population civile subit les effets de ce conflit
«.
En effet,
il ressort de nombreux rapports d’ONG ou d’organisations
internationales comme le Comité des droits de l’Homme
des N. U. ou le Parlement européen, que la vie quotidienne en
Algérie est marquée depuis des années
par des assassinats, le recours à la torture, des
disparitions forcées, des détentions arbitraires ou
secrètes, des procès inéquitables. Cette
violence d’Etat ne saurait se justifier au nom de l’imperatif
de la sécurité collective face aux violences provenant
de groupes qui se réclament de l‘Islam. D’autant
plus que, selon de nombreuses sources, même les massacres
commis par les groupes islamistes se sont très souvent
produits dans l’indifférence ou l’inertie des
forces armées qui auraient pu et du intervenir et qui n’ont
pas bougé.
Le TPP se
doit d’examiner publiquement le bien fondé de ces
rapports.
Il doit
également se poser le problème d’un état
d’exception qui dure depuis plus de 12 ans et qui est maintenu
pour l’essentiel dans un pays qui se veut normalisé.

Car le
doute inquiétant qui plane aujourd’hui sur l’Etat
algérien est de savoir si, derrière une démocratie
de façade, ce n’est pas une sorte d’ état
d’exception permanent qu’on a mis en place en exploitant
le terrorisme et ses menaces, pour empêcher le peuple d’exercer
son droit à l’autodétermination économique
et de disposer de ses richesses naturelles pour satisfaire ses droits
fondamentaux : l’instruction, le travail, la sécurité
sociale de tous les citoyens.
Ce doute
est accru par les propos de l’Administration américaine
actuelle sur « l’Algérie modèle de
démocratie pour les pays arabes » , ainsi que par
les éloges octroyés par le Président Bush lui
même pour la façon dont l’Algérie combat le
terrorisme (v. message de
félicitations de Bush à Bouteflika à l’occasion
de l’anniversaire de l’indépendance de l’Algérie :
« L’Amérique
continue à compter sur l’Algérie en sa qualité
de partenaire dans la lutte contre le terrorisme ainsi que dans la
tâche cruciale de répandre la démocratie et de
promouvoir la prospérité dans le monde
 »,
Le Monde du 3.08.2004, p. 17, «
L’Algérie, nouveau modèle d’Etat
‘démocratique’ tortionnaire »).
Si la
façon algérienne de combattre le terrorisme devait
s’inspirer de Guantanamo et Abou Ghraib, il y aurait,
évidemmment, de quoi s’inquiéter.


1. Le cadre de référence

1-1. La saisine du Tribunal
Par lettre
du 6 juin 2003, le Comité Justice pour l’Algérie
a adressé une requête au président du Tribunal
Permanent des Peuples aux fins de saisine de cette juridiction
internationale sur les violations des droits de l’Homme en
Algérie, particulièrement depuis 1992. Cette requête
était soutenue par les ONG algériennes et
internationales suivantes :
- Ligue
algérienne de défense des droits de l’Homme
(LADDH) ;
- S.O.S.
disparus ;
- Action
des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) ;
-
Association droits de l’Homme pour tous (ADHT) ;
-
CEDETIM ;
-
Collectif des familles de disparu(e) s en Algérie ;
- Ligue
française des droits de l’Homme (LDH) ;
-
Pro-Asyl ;
-
Algeria-Watch ;
- Amnesty
International ;
- Comité
international pour la paix, les droits de l’Homme et la
démocratie en Algérie (CIPA) ;
-
Fédération internationale des ligues des droits de
l’Homme (FIDH) ;
-
Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ;
-
Reporters sans frontières (RSF) ;
- Cimade
Rhône- Alpes
Réseau
euroméditerranéen des droits de l’Homme (REMDH).
À
l’appui de sa saisine, le Comité Justice pour l’Algérie
a fourni au Tribunal une première série de documents,
rapports et références établis par des ONG bien
connues ou par des auteurs et des organisations internationales
faisant état, témoignages à l’appui, de
graves violations des droits de l’Homme en Algérie,
perpétrées par les services officiels de sécurité
et leurs auxiliaires et par des groupes armés qui se réclament
de l’Islam.
Le Comité
a demandé au Tribunal de condamner et de dénoncer ces
violations massives des droits de l’Homme, quels qu’en
soient les auteurs, qu’il s’agisse des forces armées
de l’État, de leurs auxiliaires, des institutions
officielles ou des groupes et forces se réclamant de l’Islam.
La
présidence du Tribunal s’est prononcée, le
1er novembre 2003, en faveur de la recevabilité
de la requête sur la base des articles 1, 2 et 3 de
ses statuts1.
Le Tribunal a demandé en outre au Comité d’élargir
l’investigation à la situation politique, économique
et sociale de l’Algérie en tenant compte de l’histoire
du pays pour permettre de replacer les violations massives des droits
de l’Homme dans leur contexte et pour mieux comprendre le rôle
de l’Islam et éventuellement son utilisation par les
différents acteurs.
Par la
suite, le Comité a présenté au Tribunal
Permanent des Peuples un ensemble de dossiers établis
par ses soins2,
de rapports, documents et ouvrages relatifs à l’objet de
la session.
La
présidence du Tribunal a fixé l’ouverture de la
session sur l’Algérie au 5 novembre 2004 à
Paris. Conformément aux statuts du Tribunal, les lieux, dates
et contenus de la session ont été communiqués en
septembre 2004 au gouvernement algérien, à travers
ses ambassades en Italie et en France, en l’invitant à
exercer son droit à la défense. Aucune réponse
n’a été obtenue par le Tribunal, et aucun
représentant des autorités algériennes n’était
présent durant la session.

1-2. Documentation et témoignages
Le
Tribunal a basé ses délibérations sur :
- l’étude
de la documentation élaborée et fournie par le Comité
Justice pour l’Algérie3 ;
- les
témoignages de victimes et interventions d’experts
durant les séances qui se sont déroulées les 5
et 6 novembre 20044.
Le
Tribunal a aussi reçu des messages de soutien de la part des
Prix Nobel de la Paix Shirin Ebadi et Adolfo Perez Esquivel.

1-3. Textes juridiques de référence

1-3-1. Textes internationaux
-
Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée
et proclamée par l’Assemblée générale
des Nations unies dans sa résolution 217 A (III) du
10 décembre 1948.
-
Convention de Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949
adoptée par Conférence diplomatique pour l’élaboration
de Conventions internationales destinées à protéger
les victimes de la guerre, réunie à Genève du
21 avril au 12 août 1949.
-
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août
1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
non internationaux (Protocole II), adopté le 8 juin 1977
par la Conférence diplomatique sur la réaffirmation et
le développement du droit international humanitaire applicable
dans les conflits armés.
- Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (résolution
2200 A (XXI) du 16 décembre 1966).
- Convention sur
l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité (résolution 2391 (XXIII) du
26 novembre 1968).
-
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (résolution 39/46 du
10 décembre 1984).
-
Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance
de la magistrature adoptés par le septième congrès
des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement
des délinquants, qui s’est tenu à Milan du
26 août au 6 septembre 1985, et confirmés par
l’Assemblée générale dans ses résolutions
40/32 du 29 novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre
1985.
- Statuts
de Rome de la Cour pénale internationale en date du 17 juillet
1998, entrés en vigueur le 1er juillet 2002.
-
Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes adoptée
et ouverte à la signature, à la ratification et à
l’adhésion par l’Assemblée générale
dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979.
-
Convention des Nations unies contre la corruption adoptée par
l’Assemblée générale le 30 octobre
2003.

1-3-2. Déclaration universelle des droits des peuples,
Alger, 4 juillet 1976.


1-3-3. Textes algériens
- Loi 90-19 du 15 août
1990 portant amnistie.
- Décret
relatif à l’instauration de l’état
d’urgence, 9 février 1992, prorogé le
6 février 1993.
- Décret
relatif aux placements dans les centres de sûreté,
20 février 1992.
- Décret
relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme du
30 septembre 1992.
- Arrêté
interministériel relatif au traitement de l’information,
7 juin 1994.
- Extrait
du Code pénal du 25 février 1995 (article 87
bis : Des crimes qualifiés terroristes ou
subversifs).
-
Circulaire du ministère de la Justice du 23 mars 1996.
-
Constitution du 22 Fevrier1989 et du 28 novembre 1996.
- Loi sur
la concorde civile, 13 juillet 1999 (et les décrets
relatifs à l’application de certains articles).
- Décret
relatif à la création d’une commission ad hoc
sur la question des disparus, 14 septembre 2003.

2. Le contexte historique, politique, économique
et social


2-1. Les espoirs déçus de l’Indépendance
Après
une très longue période de colonisation de peuplement
traumatisante, l’Algérie accède à
l’Indépendance le 5 juillet 1962. Au-delà
des huit années d’une guerre de libération
nationale particulièrement meurtrière, cette
Indépendance vient couronner cent trente ans de combat
ininterrompu pour la liberté et l’émancipation.
Elle incarne pour le peuple algérien l’espoir d’un
avenir meilleur : recouvrement de la souveraineté,
rétablissement des citoyens dans la dignité,
application de la règle de l’équité et de
l’égalité, généralisation des
libertés publiques bafouées. Ainsi, l’adhésion
des Algériens à leur nouvel État est alors très
large.
Animé
par la volonté de faire de l’Algérie un grand
acteur sur la scène internationale et de la sortir de son état
de sous-développement, le nouveau pouvoir dominé par le
Front de libération national (FLN) met en œuvre un
projet politique ambitieux, fondé sur la construction
nationale et la modernisation accélérée du pays.
De grandes transformations sont accomplies sur tous les plans,
notamment la mise en place d’un tissu industriel et
d’infrastructures sanitaires ainsi qu’un effort
considérable de scolarisation et d’éducation.
Cependant,
ce projet politique intégrateur semble buter, dès les
années 1980, sur de nombreux obstacles. La concentration des
revenus, l’aggravation du chômage dans un contexte de
fort accroissement démographique, l’essoufflement de la
croissance voire l’arrêt du développement, la
multiplication des phénomènes d’exclusion,
annoncent la fin des illusions. L’État n’est plus
en mesure de poursuivre son projet. La baisse du prix du baril de
pétrole à partir de 1986, la généralisation
de la corruption et les carences de l’administration ne
facilitent pas la tâche du pouvoir. À la dynamique
intégratrice du système se substitue une dynamique de
marginalisation et d’exclusion à grande échelle.
Après l’échec de la tentative de réforme
du système entreprise par le président Chadli
Bendjedid, au milieu des années 1980, le blocage paraît
évident.

2-2. L’éphémère libéralisation
des années 1989-1991

C’est
dans ces conditions qu’éclatent les manifestations
d’octobre 1988, auxquelles le pouvoir répond par la
répression (plus de cinq cents morts). Les divisions au sein
du régime favorisent les premiers changements politiques. La
Constitution adoptée en février 1989 reconnaît
ainsi le principe d’un système politique fondé
sur la séparation des pouvoirs, les élections libres,
le multipartisme et le respect des droits de l’Homme.
Une
période de libéralisation s’ouvre alors. De
nombreux partis politiques et plusieurs milliers d’associations
sont créés et ces changements se font sentir rapidement
sur les scènes politique, économique et sociale. La
presse, bien qu’encore faible, adopte un ton critique et fait
une petite place à l’opposition et aux débats.
L’Algérie entre ainsi pour la première fois dans
une phase de compétition politique. C’est alors que
l’islam politique, présent dans le paysage politique et
idéologique algérien depuis le début de la lutte
contre la colonisation, notamment avec l’émir Abdelkader
et l’Association des oulémas, s’impose comme
courant politique majeur et que son influence au sein des couches
sociales défavorisées ne cesse de s’amplifier.
Ce courant
catalyse les mécontentements de larges secteurs de l’opinion
publique qui se sentent abandonnés ou même trahis par un
partage inégal des fruits de la croissance et une gestion de
plus en plus clanique des richesses nationales. Avec son programme
politique axé sur la lutte contre l’injustice, et son
discours particulièrement virulent à l’égard
du système politique, le Front islamique de salut (FIS)
incarne le courant de l’opposition le plus radical, voire la

volonté de rupture avec le système en place. Cela lui
apporte l’adhésion de larges couches sociales
défavorisées et déçues du pouvoir
nationaliste. Après un premier succès remporté
lors des élections municipales de juin 1990, le FIS
confirme son influence majeure à l’occasion du premier
tour des élections législatives de décembre 1991,
dont il sort vainqueur.

2-3. 1992 : le début d’une guerre meurtrière
Une
nouvelle phase de l’histoire politique de l’Algérie
commence. En réaction à cette victoire inattendue du
FIS, les responsables du haut commandement militaire réagissent
brutalement. Le 11 janvier 1992, ils annulent les résultats
du premier tour des élections législatives et le
processus électoral lui-même, poussent le président
de la République à la démission et, le 9 février
1992, ils décrètent l’état d’urgence.
Ils font procéder à des arrestations massives de
militants et sympathisants du FIS, dont certains membres choisissent
alors de rejoindre les maquis. S’enclenche alors une spirale de
terreur, marquée principalement par la violence illégale
du terrorisme d’État, mais aussi par les violences de
groupes armés se réclamant de l’islam, et
provoquant des dizaines de milliers de morts, des milliers de
disparitions, des centaines de milliers de personnes déplacées
et d’exilés. On reviendra en détail sur ces
violences qui ont motivé la saisine du Tribunal.
La
violence qui domine la scène politique pendant plus de dix ans
se déroule dans un pays à la structure marquée
par la dualité économique, politique et culturelle. Sur
le plan économique, se trouve, d’une part, un secteur de
pointe lié à une économie rentière, basée
sur les revenus de l’exportation des hydrocarbures contrôlée
par une minorité, autour de laquelle se forment des réseaux
clientélistes et des circuits d’importation de biens
alimentaires ; et d’autre part, un vaste secteur informel
échappant à toute régulation économique
et juridique.
Le pays
est aussi divisé par une profonde dualité politique :
d’une part, il y a les institutions politiques formelles,
conformes à la Constitution ; d’autre part, il y a
le pouvoir occulte des groupes de pression parmi lesquels le pouvoir
militaire joue un rôle de premier plan, et des réseaux
d’intérêts qui exercent une grande influence sur
le processus de prise de décision au sein de la classe
dirigeante. La société est également divisée
sur le plan culturel, entre défenseurs de l’arabisation
et partisans de la francophonie.
Cet
ensemble de fractures a pesé à la fois sur la manière
dont le conflit s’est déroulé et sur son issue.
Si l’on ajoute l’explosion démographique et la
dimension du chômage, on peut reconnaître la gravité
des problèmes structurels de la société
algérienne. Ces problèmes ont été encore
aggravés par l’application de mesures imposées
par le Fonds monétaire international dans le cadre des
programmes d’ajustements structurels dans les années
1990.

2-4. Le contexte international
À
l’exception des ONG de défense des droits de l’Homme,
la communauté internationale a très peu réagi :
il a fallu attendre que Kofi Annan, le secrétaire général
de l’ONU, et Mary Robinson, la Haut Commissaire aux droits de
l’Homme des Nations unies, déclarent, à
l’occasion des massacres de 1997, que la communauté
internationale ne peut rester silencieuse devant le massacre du
peuple algérien sous le prétexte de respecter la
souveraineté algérienne.
Les États
se sont contentés en général de discours vagues,
dénonçant la violence islamiste sans vraiment mettre en
cause la responsabilité du gouvernement. Ces discours n’ont
eu aucun impact dans la pratique. Les politiques des États
membres de l’Union européenne et des États-Unis
ont été déterminées par les intérêts
stratégiques, pétroliers et gaziers, articulés
sur une raison d’État à court terme.
La France
a continué de soutenir les autorités algériennes,
même après les attentats de 1995 qui se sont déroulés
sur son territoire, malgré les interrogations que différentes
enquêtes ont permis de poser en ce qui concerne l’implication
des services algériens dans la préparation de ces
violences5.
La peur de l’islamisme, voire parfois la peur de l’islam,
tient lieu de politique pour de nombreux gouvernements. Ni la France
ni les États-Unis6,
ni aucune organisation internationale intergouvernementale n’ont
appuyé la demande des commissions d’enquêtes
internationales formulée par des intellectuels algériens
appuyés par des ONG de défense des droits de l’Homme
après les massacres de 1997. Le gouvernement algérien
considère systématiquement toute prise de position
critique comme une « ingérence » et une
« atteinte à sa souveraineté ».

Après les attentats du 11 septembre 2001, la lutte
légitime contre le terrorisme est instrumentalisée pour
porter atteinte à la protection internationale des droits de
l’Homme, tant par l’intervention de législations
internes que par le renforcement de la coopération
internationale policière répressive.

3. Un système qui érige l’État
de non-droit


3-1. L’interruption du processus électoral et ses
conséquences immédiates

Comme on
l’a vu, suite aux événements d’octobre 1988
qui ont fait plus de 500 morts à la suite de l’intervention
de l’armée contre de jeunes manifestants et où
l’usage de la torture a été pratiqué de
façon systématique, des réformes politiques ont
été engagées. Le 23 février 1989,
une nouvelle Constitution est approuvée par référendum.
Le multipartisme est officiellement reconnu. Outre l’instauration
du pluralisme politique, cette Constitution garantit les libertés
fondamentales (la liberté de presse, d’opinion et
d’association) et favorise l’émergence d’une
société civile balbutiante.
Les
élections municipales du 12 juin 1990 font figure de
premier scrutin pluraliste de l’Algérie indépendante
avec un taux de participation de 65,15 %. Le Front islamique du
salut (FIS) recueille 54,25 % des suffrages exprimés
(soit 4 331 472 voix et 33,73 % des inscrits) et
devient le premier parti de l’opposition au régime. Le
FLN, au gouvernement, recueille 28,13 % des suffrages exprimés.
Pour la
première fois, des élections législatives libres
et plurielles sont organisées le 26 décembre 1991.
Le premier tour de ces élections de décembre 1991
montre une participation plus faible qu’aux élections
communales de juin 1990 (59,0 % contre 65,1 %). Le FIS
a perdu plus d’un million de voix par rapport aux élections
de juin 1990, obtenant 47,27 % des suffrages exprimés
(soit 3 260 222 voix et 24,54 % des inscrits), mais le
mode de scrutin majoritaire, lui permet d’emporter, dès
le premier tour, 188 sièges sur les 430 à pourvoir
(43,72 %), le FLN n’obtenant pas plus de 16 sièges
(3,72 %). Le premier tour laissant présager une victoire
écrasante du FIS, le processus électoral est interrompu
le 11 janvier 1992 par un coup d’État militaire,
avant la tenue du second tour. Le président de la République
est contraint à la démission et remplacé par un
« Haut Comité d’État » le
14 janvier, structure non prévue par la Constitution.
L’état
d’urgence est décrété le 9 février
et perdure jusqu’à ce jour. Des lois liberticides sont
édictées (voir infra). Le soir même,
commencent des arrestations massives touchant dans les semaines qui
suivent environ 13 000 personnes, pour la plupart des membres et
sympathisants présumés du FIS ; ces personnes sont
placées en détention, sans jugement, dans des camps de
concentration dans le sud saharien et souvent torturées.
Sur le
plan des institutions, les quelques fondements de l’État
de droit sont donc alors réduits à néant :
l’interruption par l’armée du processus électoral
plonge le pays dans une longue période de non droit et de
violence armée, caractérisée par la suspension
de la Constitution de février 1989, l’absence
totale d’institutions élues, la proclamation de l’état
d’urgence et l’instauration de lois d’exceptions
relatives à la lutte contre la subversion (voir Dossier CJA
n° 15).
L’Algérie
va être gérée à coups de décrets et
de modifications de lois en dehors de toute institution élue.
Une longue parenthèse voit émerger des institutions de
transition — le Conseil consultatif national (CCN7)
puis le Conseil national de transition (CNT8)
— pilotées par le régime et dont les
« représentants » sont désignés
pour « légitimer » et faire passer les
lois afin de neutraliser la justice et contrôler la presse. Le
pouvoir exécutif est soumis au commandement militaire à
travers le HCE, instance anticonstitutionnelle.

3-2. Un organe d’exception légifère en
violation des principes de l’État de droit

Pour
pallier le vide institutionnel législatif, un décret
présidentiel (n° 92-39) du 4 février
1992, institue un Conseil consultatif national (CCN). Cette
structure, comportant soixante membres désignés et
investis par décret présidentiel [art. 6], est chargée
de :
- assister
à titre consultatif le HCE dans l’accomplissement de ses
missions [art. 2] ;
- étudier
les questions relevant du domaine législatif dont il peut être
saisi ;
- émettre
des avis et recommandations sur des questions d’intérêt
ou de portée nationale [art. 3].
Une série
de textes d’exception est ainsi édictée (dont le
plus important est le décret relatif à l’état
d’urgence), qui restreignent de façon draconienne
les libertés fondamentales.
Par décret
présidentiel du 9 février 1992, l’état
d’urgence est donc décrété pour une durée
de douze mois sur l’étendue du territoire national. Si,
dans la forme, le gouvernement algérien a initialement
respecté la légalité internationale en en
informant les Nations unies, cela n’a pas été le
cas ultérieurement et l’état d’urgence (qui
est toujours en vigueur à ce jour) a été ensuite
reconduit de façon illégale. Dans la pratique, l’état
d’urgence confère aux autorités, notamment
militaires, des pouvoirs très étendus :
-
arrestations sans contrôle ;
-
prohibition des réunions publiques ; interdiction de
manifestations en invoquant le maintien de l’ordre public ;
-
interdiction ou suspension de journaux ;
-
suspension ou dissolution des assemblées locales élues
qui feraient obstacle à la politique des pouvoirs publics.
Après
l’instauration de l’état d’urgence, le HCE
établit des textes d’exception qui codifient
l’arbitraire, pour lutter contre le terrorisme. Le décret
législatif n° 92-03 du 30 septembre 1992
« relatif à la lutte contre la subversion et le
terrorisme » (voir document 1.4) donne une définition
large du terrorisme et permet les excès de pouvoir :

« Art 1er. — Est considérée
comme acte subversif ou terroriste au sens du présent décret
législatif, toute infraction visant la sûreté de
l’État, l’intégrité du territoire,
la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par
toute action ayant pour objet de :

- Semer l’effroi dans la population et créer
un climat d’insécurité en portant atteinte aux
personnes ou en mettant en danger leur vie, leur liberté ou
leur sécurité, ou en portant atteinte à leurs
biens.

- Entraver la circulation ou la liberté de
mouvement sur les voies et places publiques.

- Porter atteinte à l’environnement, aux
moyens de communication et de transport, aux propriétés
publiques et privées, d’en prendre possession ou de les
occuper indûment, de profaner les sépultures ou
d’attenter aux symboles de la République.

- Faire obstacle à l’action des autorités
publiques ou au libre exercice du culte et des libertés
publiques ainsi qu’au fonctionnement des établissements
concourant au service public.

- Faire obstacle au fonctionnement des institutions
publiques ou porter atteinte à la vie ou aux biens de leurs
agents, ou faire obstacle à l’application des lois et
règlements. »

« Art. 3. — Quiconque crée,
fonde, organise ou dirige toute association, corps, groupe ou
organisation dont le but ou les activités tombent sous le coup
des dispositions de l’article 1er ci-dessus, est
puni de la réclusion à perpétuité.

Toute adhésion ou participation, sous quelque
forme que ce soit, aux associations, corps, groupes ou organisations
visés à l’alinéa ci-dessus, avec
connaissance de leur but, est punie d’une peine de réclusion
de dix (10) à vingt (20) ans. »

3-3. La mise sous tutelle de la justice et les juridictions
d’exception

L’institution
judiciaire est soumise à l’exécutif par une série
de textes institutionnalisant la tutelle complète du ministère
de la Justice sur les magistrats, y compris du Siège. Des
tribunaux d’exception sont institués, marginalisant la
justice ordinaire. Le principal instrument sera le décret
législatif précité n° 92-03 du
30 septembre 1992 « relatif à la lutte contre
la subversion et le terrorisme ». Ce décret :
- « crée
trois juridictions dénommées Cours spéciales »
[art. 11] ;
- définit
« les fonctions du ministère public auprès
de la Cour spéciale [qui] sont exercées par un
procureur général désigné parmi les
magistrats du parquet. Le procureur général est assisté
d’un ou de plusieurs adjoints » [art. 13] ;
- dispose
par ailleurs que « le président et les assesseurs
de la Cour spéciale et de la Chambre de contrôle ainsi
que le procureur général de la Cour spéciale
sont nommés par décret présidentiel non
publiable, sur proposition du ministre de la Justice. Les autres
magistrats sont nommés par arrêté non
publiable du ministère de la Justice et quiconque rend
publique l’identité des magistrats attachés à
la Cour spéciale ou divulgue des informations quelle que soit
leur nature permettant de les identifier est puni d’une peine
d’emprisonnement de deux (02) à cinq (05) ans »
[art. 17].
Les
articles 19 et 23 de ce décret législatif
donnent un pouvoir étendu aux forces de sécurité
avec « compétence sur toute l’étendue
du territoire national ». Elles peuvent faire toute
perquisition et saisie, de jour comme de nuit et en tout lieu. Cette
pratique a été notamment renforcée en
décembre 1992 après l’instauration d’un
couvre-feu de 22 h 30 à 5 heures du matin. Ce
sont les horaires pendant lesquels les forces spéciales et les
forces combinées, sous couvert de police judiciaire, agissent
à leur guise et en toute impunité.
L’impact
de cette justice d’exception a été tel que la
mission onusienne présidée par Mario Soares, qui s’est
rendue en Algérie en juillet-août 1998, a constaté
que :

« Entre octobre 1992 et octobre 1994,
les tribunaux spéciaux ont jugé 13 770 personnes
et acquitté 3 661 (25 %) d’entre elles. Ils
ont prononcé 1 661 peines de mort, dont 1 463 par
contumace, ainsi que 8 448 peines d’emprisonnement9. »
Quelques
jours après la promulgation des lois antisubversives, les
décrets législatif et exécutif des 24 et
25 octobre 1992 (sous les numéros respectifs 92-05 et
92-388), modifiant la loi du 12 décembre 1989 portant
statut de la magistrature, viennent renforcer les mesures d’exception
prises par le pouvoir afin de contrôler toute tentation
d’autonomie des magistrats.
Le décret
exécutif du 24 octobre 1992, modifie le
nombre de magistrats composant le Conseil supérieur de la
magistrature (CSM) et le ramène de vingt-six à dix-sept
membres, dont seulement six sont élus par leurs pairs. Ce
décret a limité l’indépendance des juges
en modifiant sensiblement la composition et les attributions du CSM,
mais aussi les droits des magistrats, notamment le droit à
l’inamovibilité. Ce décret fait obligation au
magistrat d’accepter une promotion, même si elle débouche
sur une mutation. De même, le détachement et la mise en
disponibilité, qui dépendaient auparavant du CSM, sont
désormais de la compétence du seul ministre de la
Justice.
En 1996,
deux circulaires confidentielles du ministre de la Justice sont
adressées aux magistrats ; s’alarmant de la
non-application par certains d’entre eux de ses directives, le
ministre conclut dans une circulaire en date du 10 février
1996 :

« En conséquence, les présidents
et procureurs généraux des Cours, ainsi que les
présidents et procureurs des Tribunaux criminels doivent
s’astreindre à respecter les directives et à
veiller à leur application littérale, sans hésitation
ni retard, sans interprétation ni modification de leur
contenu. Les cadres de la Justice doivent savoir que les directives
qui émanent de l’administration centrale revêtent
un caractère d’obligation et d’urgence ; en
conséquence, on doit, en plus de leur adoption, veiller de
manière stricte à leur application urgente sans qu’il
soit nécessaire de les rappeler. Aucune excuse ne sera tolérée
quel qu’en soit le motif, et tout responsable d’un retard
ou refus d’exécution aura à rendre compte
personnellement et sera puni en conséquence. »
Dans une
autre circulaire en date du 23 mars 1996, le ministre de la
Justice s’inquiète de certaines libérations
provisoires et écrit aux présidents et procureurs
généraux :

« Notre attention est attirée par le
fait que certains juges d’instruction prennent l’initiative
de libérer provisoirement quelques accusés impliqués
dans des affaires à caractère dangereux qui préoccupent
l’opinion publique sans que le ministère en soit informé
et sans discussion ou coordination avec les présidents des
conseils judiciaires, lesquels sont légalement aptes à
contrôler les activités des chambres d’accusation.
Je vous demande de ne plus recourir à de telles attitudes et
de traiter le sujet avec circonspection, sagesse et objectivité,
en nous informant à l’avenir de tout ce qui touche à
ce sujet. »

4. Les structures de la répression
En 1992
et 1993, progressivement, toute l’armée et une
bonne partie de la police et de la gendarmerie ont été
engagées par le pouvoir dans la lutte antiterroriste,
c’est-à-dire plus de 300 000 hommes. Mais en
pratique, la répression a été principalement
menée par une petite partie de ces effectifs, ceux des forces
spéciales de l’armée, les unités spéciales
de la police et de la gendarmerie et les hommes de la Sécurité
militaire (devenue depuis septembre 1990 « Département
de renseignement et de sécurité », DRS).
Cette guerre est double :
- une
guerre « ouverte » antiterroriste, conduite
principalement par les forces spéciales de l’armée ;
- une
guerre « secrète », conduite
parallèlement, en dehors de tout cadre légal,
principalement par les unités des services secrets de l’armée
(DRS), et faite de désinformation, de manipulations, de
torture, d’exécutions extrajudiciaires et de
disparitions forcées.

4-1. Une guerre conduite par un groupe restreint de généraux
Dès
avant le déclenchement de la guerre en 1992, c’est le
DRS qui a principalement assuré la coordination de la
répression, « officielle » aussi bien
que clandestine. Il s’agit donc d’une véritable
stratégie d’ensemble, cohérente, conduite selon
de nombreux témoignages par un groupe très restreint de
généraux, composé principalement des personnes
suivantes :
- le
général de corps d’armée Mohamed
Lamari
, chargé à partir de septembre 1992 de
la direction de la structure de coordination des troupes d’élite
antiterroristes et chef d’état-major de l’ANP de
juillet 1993 à août 2004 ;
- le
général-major Mohamed Médiène (dit
« Toufik »), chef du DRS depuis septembre 1990
jusqu’à ce jour ;
- le

général-major Smaïl Lamari (dit « Smaïn »),
bras droit de Toufik, chef de la Direction du contre-espionnage
(DCE), principale branche du DRS, de septembre à ce jour.
- le
général-major Larbi Belkheir, ministre de
l’Intérieur d’octobre 1991 à
juin 1992, sans fonctions officielles ensuite, puis directeur de
cabinet du président Bouteflika d’avril 1999 à
ce jour ;
- le
général-major Khaled Nezzar, ministre de la
Défense de juillet 1990 à juillet 1993,
membre du Haut Comité d’État de janvier 1992
à janvier 1994, sans fonctions officielles ensuite, mais
toujours influent.
L’ensemble
des forces de sécurité impliquées dans la
répression a été structuré autour d’un
petit nombre de structures clés (voir Dossier CJA n° 16),
dont les plus importantes sont indiquées ci-après.

4-2. La Direction du contre-espionnage (DCE) du DRS
La DCE,
dont le siège est situé avenue Ahmed-Ghermoul à
Alger (« Centre Ghermoul »), s’est
s’appuyée sur trois structures principales :
- le
CPO (
Centre principal des opérations), appelé
« Centre Antar » (localisé à
Ben-Aknoun, dans la banlieue ouest d’Alger), est chargé
des actions illégales du DRS (surveillance, filature,
perquisitions secrètes, enlèvements, interrogatoires,
faux témoignages, infiltrations, mise en place de groupes
armés islamistes…). Le CPO est aussi un important
centre de torture (de membres des services de sécurité,
de militaires et de civils) ;
- le
CTRI (
centres territoriaux de recherche et d’investigation),
antennes de la DCE dans chacune des six régions militaires.
Ces centres (particulièrement ceux d’Oran, de
Constantine et de Blida) auront un poids déterminant dans
l’organisation de la lutte antiterroriste, l’arrestation
et la torture de milliers de civils, l’organisation des
disparitions forcées, l’infiltration et la manipulation
de nombreux groupes islamistes armés, l’encadrement des
milices civiles. Leur travail sera appuyé par les autres
structures du DRS (dont le Groupement d’intervention spéciale,
GIS), la police et la gendarmerie ;
- le
Poste de commandement opérationnel (PCO),
créé
en 1991 et localisé depuis avril 1992 dans la caserne de
Chateauneuf, à Alger. Placé sous l’autorité
de Smaïl Lamari, son rôle sera de coordonner les actions
de la DCE avec la police et la gendarmerie, de collecter les
renseignements et de mener des opérations de répression.
Il deviendra un très important centre de torture et
d’exécutions. Le PCO regroupera toutes les brigades de
police judiciaire du pays, celles du port d’Alger et de
l’aéroport international, ainsi que les services
régionaux de police judiciaire et il collaborera avec les CTRI
et les troupes spéciales. Le PCO a été
officiellement « dissous » à l’été
1998, au moment de la visite du panel onusien, mais il demeure un
centre de police.

4-3. La Direction centrale de la sécurité de l’armée
(DCSA) du DRS

La DCSA,
dirigée par le colonel Kamel Abderrahmane (jusqu’en
mai 1996), se positionnera souvent en concurrente de la DCE dans
la mise en œuvre des opérations clandestines de
répression. Les principales structures de la DCSA sont les
suivantes :
- le
CPMI
(Centre principal militaire d’investigation, situé
à Ben-Aknoun) a été dirigé de 1990 à
mars 2001 par le colonel Athmane Tartag, dit « Bachir ».
Il a servi d’abord, après le coup d’État de
janvier 1992, à surveiller et à réprimer
les « éléments douteux » des
différents corps de l’armée : de nombreux
militaires suspectés de sympathies avec le FIS y ont été
arrêtés, torturés et liquidés. Il jouera
un rôle essentiel dans l’infiltration du FIS et, plus
tard, dans la création ex nihilo de groupes armés
islamistes. Le CPMI sera aussi un des principaux centres
de torture et de liquidation des opposants ;
- les CMI
(centres militaires d’investigation), antennes du CPMI dans les
six régions militaires, ont fusionné en mars 1993
avec les centres de recherche et d’investigation (CRI) de la
DCE, devenus CTRI ;
- les BPM
(Bataillons de police militaire) : les 90e BPM
(Béni-Messous) et 91e BPM (Blida), connus sous le
nom de « bérets rouges », se sont
illustrés par leurs méthodes brutales et violentes.

4-4. Le Centre de conduite et de coordination des actions de lutte
antisubversive (CCC/ALAS)

Créée
en septembre 1992 sous la direction du général
Mohamed Lamari, cette structure regroupe au départ cinq
régiments des troupes d’élite (paracommandos),
des unités du DRS et le Groupement d’intervention rapide
de la gendarmerie (GIR) : au total environ 6 500 hommes,
dont 3 500 pour les seules forces spéciales. Cette
structure, qui sera ensuite considérablement renforcée
(jusqu’à compter 15 000 hommes), jouera le rôle
principal dans la répression « officielle »,
en coordination étroite avec le DRS et mobilisant chaque fois
que nécessaire les unités de la gendarmerie et des
autres composantes de l’armée (commandement des forces
terrestres, commandement des forces aériennes, commandement de
la défense aérienne). À
partir de 1993, le CCC/ALAS mène une lutte impitoyable
contre les opposants, les groupes armés et surtout contre la
population civile accusée de les soutenir.

4-5. La Police judiciaire
Dépendant
en principe de la Direction générale de la sûreté
nationale (DGSN), relevant du ministre de l’Intérieur et
non pas de celui de la Défense, la Police judiciaire sera
placée de facto sous le contrôle de la DCE, qui
utilisera également ses commissariats comme centres de torture
(en particulier, à Alger, le commissariat central et celui de
Cavaignac, et Chateauneuf, le siège du PCO). Les BMPJ
(brigades mobiles de police judiciaire), dépendant du service
de police judiciaire régional, collaboreront avec les CTRI
dans toutes les opérations de lutte antisubversive.

4-6. Les milices
Composées
de civils, créées officiellement à partir de
mars 1994, les milices serviront de forces supplétives du
DRS et de l’armée pour le renseignement, les
arrestations et les liquidations physiques (voir Dossier CJA n° 17).
Jouissant parfois d’un double pouvoir (à la fois
paramilitaire et administratif), les miliciens, ou « patriotes »,
s’attaqueront d’abord aux familles des sympathisants du
FIS, en véritables escadrons de la mort du DRS.
De son
côté, le ministère de l’Intérieur a
créé, en 1994, une « garde communale »
pour contrôler les zones urbaines. Les gardes communaux seront
parfois accompagnés dans leur travail par le GIS et par des
unités spéciales en civil. Leurs effectifs atteindront,
semble-t-il, 50 000 hommes, et l’ensemble des groupes
paramilitaires formera un effectif d’environ 200 000
hommes.

4-7. Les « escadrons de la mort » du DRS
De
nombreux témoignages de policiers et militaires dissidents
font état de la mise en place par le DRS, parfois avant même
le coup d’État de janvier 1992, de structures
répressives clandestines qui joueront un rôle important
par la suite, constituant, sous des formes diverses, de véritables
« escadrons de la mort », dont on peut citer au
moins deux exemples, clairement avérés.
- Une
« section de protection » clandestine a été
mise en place dès octobre 1990, au sein du CPO, par le
chef de la DCE, Smaïl Lamari. À partir de janvier 1992,
ses membres seront chargés, en utilisant des méthodes
de terreur (menaces, assassinats, etc.) attribuées aux
islamistes, de faire basculer dans le camp du
pouvoir des journalistes, des policiers et magistrats, des
intellectuels et même des militaires.
-
L’Organisation des jeunes Algériens libres (OJAL),
se présentant comme un groupe clandestin de simples citoyens
opposés à l’islamisme, a existé de fin
1993 à la mi-1994, signant de son sigle de très
nombreux assassinats de civils soupçonnés de sympathies
islamistes, dans l’Algérois. Il s’agissait en
réalité d’une unité composée
d’hommes du DRS, créée à l’initiative
du général Médiène. Avec la création
des milices au printemps 1994 et avec l’engagement massif des
forces spéciales du CCC/ALAS dans les actions illégales
et clandestines d’élimination des opposants, cette
organisation n’aura plus lieu d’être et disparaîtra
purement et simplement.

5. La violence comme système de gestion de la
société

Le
contexte institutionnel d’exception va favoriser une violence
d’une rare intensité émanant de plusieurs acteurs
relevant de l’autorité publique comme de groupes civils
armés. Les groupes d’autodéfense, les soi-disant
« patriotes », seront armés par les
forces publiques et contribueront de leur côté au
développement du banditisme.
Le
président Bouteflika lui-même, en 1999, a mentionné
le chiffre de 100 000 morts victimes de cette violence ;
certaines ONG ont avancé des estimations variant de 150 000 à
200 000 morts.
Le pouvoir
algérien a contribué, en plus, à la
généralisation de la violence par une série de
mesures répressives. Des structures officielles de l’armée,
comme on l’a vu, ont été mises en place. Une
multitude d’unités spéciales formelles et
informelles sèment la terreur dans la population en enlevant,
arrêtant arbitrairement, torturant, assassinant des citoyennes
et des citoyens en toute impunité.
Dès
la fin 1990, alors que le chef de l’État disposait de
moyens légaux (dissoudre le Parlement, proposer une
modification de la Constitution, arrêter les éléments
radicaux…) pour empêcher le FIS d’imposer au pays
une théocratie islamiste, par les urnes ou par la force, le
tandem Belkheir-Nezzar a élaboré secrètement un
plan subversif qui, au contraire, utilisera la violence islamiste
pour casser le FIS et, plus largement, pour museler tout mouvement
populaire et contestataire. L’existence de ce plan, secret, ne
sera connue que bien plus tard sous le nom de « Plan
Nezzar », car c’est le général Nezzar
lui-même qui l’a révélée dans ses
mémoires, publiées à Alger en 1999 ; il y
reproduit le « Mémoire sur la situation dans le
pays et point de vue de l’Armée nationale populaire »
élaboré en décembre 1990 à
l’attention du président et du Premier ministre Mouloud
Hamrouche par le ministère de la Défense pour contrer
l’islamisme. Rejeté par Hamrouche, ce document (à
la formulation évidemment euphémisée, s’agissant
des actions clairement illégales préconisées,
comme l’infiltration et la manipulation de la mouvance
islamiste) servira de fait de guide d’action aux menées
subversives des chefs de l’armée jusqu’au coup
d’État de janvier 1992.
Début
janvier 1992, le colonel Smaïn Lamari, numéro deux
du DRS, renforce son contrôle sur le renseignement avec la
création d’une cellule d’« Analyse et
de Documentation », qui travaille à l’insu de
l’ANP. Il réunit les cadres de sa direction et leur
assure que le FIS n’arrivera jamais au pouvoir. On comprend
qu’il sera détruit : « Je suis prêt
et décidé à éliminer trois millions
d’Algériens s’il le faut pour maintenir l’ordre
que les islamistes menacent », déclarera ce dernier
en mai de la même année au cours d’une réunion
de cadres du DRS au Poste de commandement de la police (PCO)10.

5-1. Les massacres
Des
massacres sont commis dès 1994. Ils prennent des proportions
inimaginables dans l’année 1996. Ils se déroulent
dans les régions connues pour leurs sympathies avec le FIS et
semblent s’inscrire dans la logique de la guerre psychologique
planifiée par les structures décrites ci-dessus (voir
Dossier CJA n° 2).
Les plus
grands massacres commis dans la périphérie d’Alger
ont lieu fin août et septembre 1997 à Raïs,
Béni-Messous et Bentalha. Ils continueront tout au long de
l’année 1998, en fait jusqu’à la démission
du président Zéroual en septembre 1998. Plusieurs
militaires dissidents expliquent que la hiérarchie militaire
avait donné l’ordre de ne pas intervenir en cas
d’attaque. Ce sont les GIA qui les revendiquent, or selon les
révélations d’anciens membres des services de
renseignements, ils étaient en grande partie contrôlés
par le DRS (voir section suivante et Dossier CJA n° 19).
L’armée
avait paradoxalement repris le contrôle total de la 1re
région militaire durant l’année 1996. Et
pourtant, c’est dans cette région, qui comprend la
plus forte concentration de soldats et de structures militaires, que
seront commis les plus grands massacres en 1997.
Les
rapports d’Amnesty International sur ces massacres sont très
sévères. Mary Robinson, Haut commissaire des droits de
l’Homme des Nations unies et même Kofi Annan, secrétaire
général des Nations unies, exigent des explications du
gouvernement et la possibilité d’enquêter. Le
15 octobre 1997, quatre grandes ONG internationales de défense
des droits de l’homme soutiennent un appel d’intellectuels
algériens pour la constitution d’une commission
d’enquête internationale afin d’établir les
responsabilités dans les massacres, ce que le pouvoir algérien
refuse catégoriquement. À ce jour, aucune enquête
sérieuse n’a été diligentée par les
autorités algériennes.

5-2. La violence des groupes armés
Par ailleurs, des groupes
armés islamistes se sont constitués, semant la terreur
et massacrant des populations civiles.
Entre 1992
et 1994, se constituent donc différentes formations
armées, dont le GIA (Groupe islamique armé). En
réalité, il serait plus exact de parler des « Groupes
islamiques armés », car sous le sigle GIA se
rassembleront une multitude de groupes caractérisés par
leur extrémisme et qui pour certains — cela est
désormais établi — sont de pures créations
des services secrets de l’armée, le DRS, tandis que
d’autres sont fortement infiltrés par ce dernier (voir
Dossier CJA n° 19). Il y a évidemment aussi parmi eux
des groupes autonomes persuadés de la justesse de leur choix.
Cependant,
à partir du printemps 1994, la situation va totalement
changer. Après deux ans de flottement, les généraux
algériens bénéficient du soutien de l’Occident
et la « guerre totale » est lancée. La
répression s’intensifie — c’est dans les
années 1994-1995 que le nombre de disparitions forcées
et d’exécutions extrajudiciaires sera le plus élevé.
Mais surtout, les méthodes de guerre anti-insurrectionnelles
seront perfectionnées : des combattants « islamistes »
inconnus font leur apparition dans plusieurs régions (surtout
dans l’Algérois) et imposent une terreur qui ira de pair
avec la reprise en main de ces régions par l’armée.
Et paradoxalement, alors même que le DRS prend progressivement
et secrètement le contrôle de la totalité de la
direction du GIA, une importante partie de la véritable
opposition clandestine, armée ou non — et avant tout la
tendance la plus politisée de la jaz’ara (courant
islamo-nationaliste) qui regroupe de nombreux intellectuels —,
le rallie en mai 1994. C’est avec la prise de pouvoir par
Djamel Zitouni (agent du DRS), en octobre 1994, que le GIA
devient un véritable instrument de lutte contre-insurrectionnelle entre les mains des chefs du DRS.
En
juillet 1994, l’AIS (Armée islamique du salut) se
constitue, ses chefs la présentant comme le « bras
armé » du FIS. Elle sera dorénavant une des
cibles favorites des GIA, qui commettent bientôt de plus en
plus d’assassinats, d’attentats à la bombe et de
massacres. En fait, cette recrudescence de la violence attribuée
aux GIA est une réponse à l’initiative de
l’opposition algérienne qui s’est réunie en
novembre 1994 et janvier 1995 à Rome pour élaborer
une « plate-forme de sortie de la crise » que
le pouvoir rejette violemment. La position de la direction des GIA
ressemble paradoxalement à celle des généraux,
puisqu’elle refuse aussi catégoriquement toute solution
négociée.
À
partir de 1995, le GIA contrôlé par le DRS remplit donc
plusieurs fonctions caractéristiques des formations
contre-insurrectionnelles mises sur pied par les forces de
répression, telles que les ont connues l’Algérie
au moment de la lutte de libération, et certains pays
latino-américains dans les années 1970. À
l’intérieur du pays, le GIA mène une
véritable guerre, qui vise plusieurs objectifs :
-
terroriser et « mater » les populations civiles
soupçonnées d’avoir sympathisé avec le
FIS ;
-
instaurer la terreur au sein même des groupes armés et
éliminer tout groupe à l’intérieur du GIA
qui ne se laisse pas assujettir ;
-
combattre tous ceux qui ne rallient pas le GIA, en premier lieu
l’AIS.
Le
gouvernement entérinera la « trêve »
unilatérale conclue secrètement par l’AIS, le
1er octobre 1997, avec le DRS, en promulguant la loi
dite de « concorde civile », le 13 juillet
1999. Cette loi a été fortement contestée, pour
diverses raisons : certains y ont vu une amnistie pour les
« terroristes », d’autres, une
réhabilitation des agents du DRS infiltrés dans les
groupes armés. Il est en tout cas établi que
l’application de cette loi s’est déroulée
dans une opacité totale.
Une fois
la mission du GIA accomplie, il disparaît. Mais les groupes
armés n’ont pas disparu pour autant. Aujourd’hui,
le groupe le plus connu est le GSPC (Groupe salafiste de prédication
et de combat), qui serait une scission du GIA. Il s’est
distingué début 2003, avec l’enlèvement de
trente-deux touristes européens, qui ont été
retenus pour certains plus de six mois en plein Sahara. La manière
dont s’est déroulée cette affaire, son dénouement
ainsi que la censure qui l’entoure laissent envisager qu’il
s’agissait là aussi d’une opération du DRS.
Une des retombées de cette prise d’otage est la
reconnaissance internationale de l’affiliation supposée,
selon le pouvoir algérien, du GSPC au réseau Al-Qaida ;
ce qui, d’une part, placerait l’Algérie aux
premières lignes de la lutte contre le terrorisme et, d’autre
part, justifie l’implantation d’unités américaines
dans le Sahel et la formation par les États-Unis d’unités
des armées de la région.
En
Algérie, depuis 2000, la violence officiellement attribuée
aux groupes armés islamistes a considérablement
diminué, mais le pouvoir a choisi de la maintenir à un
niveau « résiduel », de façon à
empêcher tout véritable retour à la paix civile.
Est-ce à
dire pour autant que les islamistes qui ont choisi la voie de la
lutte armée à partir de 1992 n’ont aucune
responsabilité dans les exactions et les massacres ?
Coupables de violences et de crimes dans les premières années
de la guerre, certains le sont assurément, et les responsables
de ces crimes n’ont jamais été jugés de
façon sérieuse. Par ailleurs, tout indique, que la
« stratégie des massacres » qui a
prévalu de 1996 à 1998 est fondamentalement le fait des
chefs de l’armée et des services secrets. Pour autant,
cela n’exonère pas les islamistes de toute
responsabilité.
D’une
part, parce que nombre d’entre eux, militant à la base,
ont accepté (parfois sous la contrainte) à partir de
1995-1996 de se placer sous le leadership de chefs sanguinaires et de
perpétrer à leur instigation massacres et crimes
atroces : même en admettant qu’ils ignoraient que
ces chefs étaient des agents du DRS et qu’ils aient été
manipulés à leur insu, ils n’en sont pas moins
coupables de ces crimes (et il n’est pas acceptable, au regard
du droit international et du simple respect des victimes, que la loi
dite de « concorde civile » leur ait accordé
une amnistie de facto).
Et,
d’autre part, parce que nombre de chefs politiques de la
mouvance islamiste du FIS, dans la clandestinité en Algérie
ou exilés, ont eu une attitude plus qu’ambiguë
vis-à-vis des crimes prétendument commis « au
nom de l’islam ». Jusqu’à la mi-1995,
espérant sans doute pouvoir encore gagner à leur cause
les troupes des GIA, ils ont souvent gardé le silence sur
leurs crimes, quand ils ne les ont pas implicitement approuvés.
Et, à partir de 1996, même si la plupart de ces chefs
ont alors dénoncé systématiquement les actes
barbares des GIA, car ils avaient compris qu’ils étaient
devenus l’instrument exclusif du DRS, ils ne l’ont jamais
fait en se donnant véritablement les moyens d’être
entendus de la communauté internationale (par exemple en
apportant assez tôt aux ONG internationales de défense
des droits humains des informations leur permettant d’aller
plus loin dans leurs investigations).

5-3. La torture
La
torture a pris une extension extraordinaire lors de la répression
des émeutes d’octobre 1988. Et bien plus encore à
partir de 1992 : elle est devenue depuis en quelque sorte un
instrument systématique du pouvoir, des experts estimant leur
nombre à au moins 40 000 depuis 1992.

La torture, institutionnalisée, est pratiquée dans de
très nombreux centres relevant de l’autorité du
DRS, mais aussi de la police et de la gendarmerie. Près d’une
centaine de ces centres ont été identifiés et
localisés (voir Dossier CJA n° 6).

Les techniques utilisées (gégène, supplice du
chiffon, mutilations, brûlures au chalumeau, viols et
humiliations sexuelles, etc.) visent bien moins à recueillir
des renseignements qu’à humilier les personnes arrêtées,
hommes et femmes, et à terroriser la population. La torture a
été organisée de façon « industrielle »,
avec cours de formation des tortionnaires et salles spécialement
équipées dans les nombreux centres de détention,
officiels ou clandestins (voir Dossier CJA n° 1).
Si la
torture est employée dans tous les lieux d’arrestation
et de détention (et ce jusqu’à ce jour)
dépendants des forces de sécurité (commissariats
de police, brigades de gendarmerie, postes de garde communaux et de
miliciens, unités de l’ANP), la liquidation en masse de
personnes arrêtées, telle qu’elle a été
pratiquée dans les années 1994-1997, s’effectuait
dans un nombre plus restreint de centres, tous contrôlés
par le DRS (Département de renseignement et de sécurité).
Les services du DRS se sont particulièrement distingués
dans les enlèvements, les séquestrations et les
tortures — et ont causé directement la mort de dizaines
de milliers de personnes depuis 1992.

5-4. Les disparitions forcées
Sous
couvert de l’État d’urgence, les services de
sécurité ont procédé dès 1992 à
des ratissages, des arrestations, des exécutions contre les
habitants des quartiers ayant voté massivement pour le FIS.
Après une première vague d’arrestations en 1992
(frappant des milliers de personnes, envoyées en détention,
sans jugement, dans des camps au sud du pays), une seconde vague, de
nature différente, survient à partir de 1994.
Des
milliers d’Algériens, pas forcément des militants
du FIS, sont alors interpellés par les divers services de
sécurité et plus tard par les milices de civils armées
associées à la lutte contre les groupes terroristes.
Arrêtées le plus souvent en présence de membres
de leurs familles, de voisins du quartier ou de collègues de
travail, sans présentation d’un quelconque mandat
officiel, les victimes de ces arrestations arbitraires sont emmenées
dans des centres secrets de détention où elles sont
soumises à la torture. Maintenues au secret, sans aucune
possibilité de contact avec leurs familles ou des avocats, les
personnes ainsi interpellées n’ont pas été
présentées à la justice algérienne,
contrairement aux milliers de personnes déférées
devant les juges pour faits de terrorisme. Leur sort reste
indéterminé à ce jour, malgré toutes les
tentatives pacifiques de leurs familles et des organisations
algériennes et internationales de défense des droits de
l’Homme.
Plus de
7 000 cas de disparitions forcées sont documentés
par les organisations nationales et internationales (le nombre est
toutefois bien plus élevé). Or, dans une grande
majorité de cas de disparition, les témoignages
concordent pour dire que ce sont les forces de sécurité
qui sont responsables des disparitions. La grande majorité des
arrestations et enlèvements a eu lieu en 1994 et 1995,
mais dans les années suivantes, de nombreuses disparitions ont
également été recensées. Dans de nombreux
cas de disparition, l’auteur de l’enlèvement est
connu de la famille ou des témoins. La famille donne
généralement le nom de cet agent, souvent connu dans le
quartier. Pour autant, la justice ne prend jamais en compte un
élément d’une telle importance.
Les
démarches entamées par les familles de disparus auprès
des instances judiciaires nationales rencontrent de graves entraves
qui n’apparaissent pas comme un simple dysfonctionnement de
l’appareil de justice, mais bien comme une volonté
délibérée de ne pas permettre de faire toute la
lumière sur la question des disparus.
La
dernière mesure prise par le gouvernement en raison de
l’impossibilité de clore ce dossier est la mise en
place, le 19 septembre 2003, d’un « mécanisme
ad hoc de prise en charge de la question des disparus »
présidé par Me Farouk Ksentini, président de la
Commission nationale consultative pour la promotion et la protection
des droits de l’Homme (CNCPPDH).
La
commission, qui n’a pas pour mandat de procéder à
des enquêtes, a recensé 5 200 cas de disparition.
Un chiffre qui n’est pas définitif, selon son président
Farouk Ksentini, qui a reconnu que « le dysfonctionnement
de la chaîne de commandement a laissé des agents de
l’État commettre des actes illicites11 »,
tout en précisant que « les institutions sont hors
de cause ». Les « aides financières »
proposées depuis juin 2004 semblent viser à clore
définitivement le dossier.

5-5. Les violences et discriminations à l’égard
des femmes


5-5-1. Les femmes victimes de la violence
Avant
l’interruption du processus électoral, c’est par
le discours que la violence contre les femmes s’exprime
d’abord. Dans des meetings comme dans certains prêches et
journaux, des catégories de femmes sont l’objet de
violentes diatribes, les rendant responsables de nombreux maux
sociaux. Même si rien ne prouve à ce jour qu’une
telle politique ait été délibérément
et de manière réfléchie prônée par
la direction du principal mouvement islamiste d’alors, le Front
islamique du salut (FIS).
Dans un
second temps, qui va du déclenchement du conflit armé
jusqu’en 1994, les femmes sont, comme les autres secteurs de la
population, progressivement happées par la spirale de la
violence. Les femmes proches des membres de la mouvance islamiste
subissent les répercussions de la vaste campagne de répression
dont ce mouvement fait l’objet. Dans des cas extrêmes,
elles sont utilisées comme moyen de pression sur des militants
dont on veut obtenir des aveux ou une reddition. Sans que cela semble
avoir donné lieu à une politique systématique,
certaines d’entre elles ont été ainsi amenées
devant leur proche arrêté et torturé.
Très
rapidement aussi, les femmes deviennent un objectif de la violence
terroriste. Des centaines d’entre elles sont enlevées,
tuées, violées sous n’importe quel prétexte :
la profession pour certaines (enseignante, coiffeuse…), la
parenté avec des membres des forces de sécurité
pour d’autres, l’habillement ou le comportement enfin
(non port du hidjab, fréquentation de l’école…).
Dans certains cas, le crime ne se cache plus derrière une
quelconque « justification » : les femmes
sont visées comme un butin de guerre que le vainqueur
s’octroie comme tout autre « bien »
arraché à l’ennemi.
Jusqu’en
1994, l’État reste quasiment silencieux. Commence alors
une troisième période qui dure encore, marquée
par des massacres commis à grande échelle, visant
indistinctement toutes les couches de la population, enfants,
vieillards et femmes compris, mais où le martyre des femmes
enlevées, violées puis tuées par ce que le
langage officiel nomme les « hordes terroristes »
est de plus en plus mis en avant par les communiqués du
gouvernement et les articles de presse : à les en croire,
il n’y a guère plus d’incursion de groupes armés
qui ne soit suivie d’un enlèvement de femmes,
pratiquement toujours retrouvées mortes au cours des
ratissages qui suivent inévitablement ces attaques.

5-5-2. La défaillance des pouvoirs publics
Durant ces
huit dernières années, les groupes armés,
quelles que soient leurs dénominations, se sont rendus
coupables de violations massives et caractérisées des
droits élémentaires de la personne humaine :
assassinats, attentats aveugles, enlèvements et viols de
femmes, raids meurtriers visant des familles de civils, voire des
villages entiers…
À
ce jour, un bilan incontestable de l’ampleur du drame vécu
par les femmes victimes du conflit reste impossible à établir.
Ainsi, en avril 1998, la télévision algérienne
diffusait pour la première fois le témoignage à
visage découvert d’une adolescente de dix-sept ans,
séquestrée et violée dans un maquis de la région
de Saïda, et de plusieurs autres jeunes filles ; à
cette occasion, les journaux avançaient le chiffre de 1 000 à
3 000 jeunes filles et femmes violées par les groupes
terroristes, mais précisaient qu’aucun chiffre sur le
nombre d’enfants nés à la suite de ces crimes
n’était disponible.
L’équipement
du pays en structures spécialisées dans l’accueil
de femmes seules ou avec enfants (qu’elles soient victimes du
terrorisme ou de violences conjugales ou familiales) est d’une
faiblesse dramatique. Selon les informations disponibles, il n’y
aurait à Alger que quatre centres de ce genre, de faible
capacité.
En
février 1998, une dépêche officielle annonce
sans plus de détails que le « Haut Conseil
islamique » (HCI), récemment installé par la
Présidence de la République, vient de consacrer sa
première session à l’examen de plusieurs
questions, dont le droit de ces femmes violées à
avorter. En mars, la ministre de la Solidarité nationale et de
la Famille confirme que le HCI a bien été saisi d’une
demande de fatwa (avis de jurisprudence) sur cette question.
En avril,
suite à des fuites parues dans la presse, le HCI estime que
ces viols ne constituent pas une atteinte à l’« honneur »
et à la « chasteté » des
victimes, « qui ne sont ni à blâmer ni à
châtier » et rappelle que « la sauvegarde
de la vie de la mère et de l’enfant, quelles que soient
les circonstances dans lesquelles ils se trouvent, est une référence
impérative » et que l’interruption de
grossesse ne peut être autorisée qu’en « cas
d’extrême nécessité » pour
« sauver la mère en danger de mort, et à
condition que le danger soit médicalement établi ».
Quant à
l’indemnisation des « victimes du terrorisme »,
elle est organisée par deux décrets édictés
le 10 avril 1994 (n° 94-86 et n° 94-91) et
complétés par un autre décret, publié en
février 1997 (n° 97-49) ; aucune clause de
ce dispositif ne traite spécifiquement des femmes violées
et aucun bilan circonstancié et global n’a été
publié par les autorités à ce jour quant aux
sommes versées et aux catégories bénéficiaires.

5-5-3. Le drame des épouses de disparus
Les
familles de disparus constituent une autre catégorie de
victimes. Elles sont plusieurs milliers à être
concernées par ce paradoxe insupportable du double statut :
de femmes mariées et de veuves. Pourtant, la loi définit
expressément chacune des deux qualités que les épouses
de disparus peuvent revendiquer. Le mariage et sa dissolution sont
régis par le Code de la famille promulgué le 9 juin
1984 sous le n° 84-11 (articles 4 à 57). Le
veuvage ne s’acquiert qu’après le décès
effectif du conjoint dûment établi par les autorités
d’état civil (article 47 du code civil) ;
lorsqu’il y a disparition de l’époux, comme c’est
le cas des femmes de disparus, cette disparition entraîne des
conséquences dramatiques tant au préjudice des épouses
qu’à celui des enfants.
Ces
dernières doivent, pour prouver le décès du chef
de famille (époux et père) entreprendre une procédure
longue et coûteuse en vue d’obtenir de l’État
le jugement d’absent (articles 109 et 110 du Code de
la famille) avant de solliciter un jugement de décès
(article 113), quatre ans après, en temps de guerre ou de
circonstances exceptionnelles. En temps de paix, le juge est habilité
à fixer la période d’attente à
l’expiration des quatre années. Durant tout ce temps,
l’épouse ne peut se prévaloir du statut de
divorcée, bien qu’elle en subisse les effets néfastes,
notamment l’impossibilité pour elle de disposer de sa
part successorale (la succession n’étant ouverte
qu’après le décès effectif du conjoint)
ainsi que la non jouissance de la tutelle sur les enfants mineurs
(article 87) et l’interdiction de fait de divorcer.
La
privation légale de ses droits pour l’épouse du
disparu entraîne des effets préjudiciables sur la garde,
l’éducation et l’entretien des enfants qui
nécessitent des moyens financiers considérables,
inexistants chez la majorité des femmes de disparus et ne
pouvant légalement se substituer au père de leur enfant
mineur pour l’autorisation de déplacement de l’enfant
à l’étranger, pour des soins ou tout problème
lié à son éducation.

5-5-4. La discrimination institutionnalisée : le
Code de la famille

Les femmes
algériennes continuent d’être soumises à
une législation discriminatoire et en contradiction avec la
Constitution qui établit l’égalité entre
les hommes et les femmes.
En matière
de mariage, outre l’interdiction faite aux musulmanes de se
marier avec un non-musulman, le consentement de la femme est
subordonné à celui du tuteur matrimonial, en
l’occurrence le plus proche parent mâle (article 11
du Code de la famille). Le père a, en outre, le droit
d’empêcher le mariage de la fille vierge, mineure ou
majeure « si tel est [son] intérêt »
(article 12).
L’article 48
du Code affirme que la dissolution du mariage peut intervenir « par
la volonté de l’époux, par consentement mutuel
des deux époux ou à la demande de l’épouse
dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54 »,
qui sont des conditions très restrictives. Alors que le droit
de répudiation existe quasiment sans contraintes pour les
hommes, la femme ne peut emprunter que deux voies : le divorce
judiciaire (article 53) ou la répudiation moyennant
compensation financière (article 54).
L’article 52
du Code de la famille prévoit que le domicile conjugal revient
à l’homme après le divorce, même si la
femme a la garde des enfants.
L’article 8
du Code, qui concerne la polygamie, précise que si les épouses
précédentes ne consentent pas au remariage du mari,
elles peuvent demander le divorce. Le consentement des épouses
n’est donc pas une condition nécessaire, puisqu’elles
ne peuvent pas empêcher le remariage. Le mari est seulement
tenu de les informer. L’article 87 confie au seul père
la tutelle des enfants mineurs. Celle-ci ne peut être exercée
par la mère qu’après le décès de
l’époux.
En l’état,
le Code de la famille viole de nombreuses dispositions de la
Convention du 18 décembre 1979 sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (ratifiée par l’Algérie), et notamment
ses articles 2, 15 et 16. Il faut enfin relever que, dans
l’attente de l’adoption par l’Assemblée
populaire nationale (APN) du projet d’amendements du Code de la
famille, annoncée depuis des années, l’article 39
du Code est en contradiction flagrante avec l’article 5 de
la dite Convention, pour lequel l’Algérie n’avait
pas émis de réserve.


6. Argumentation juridique
À
la lumière de ces faits et des témoignages reçus
ou entendus, le Tribunal peut maintenant répondre aux
différentes questions posées en ce qui concerne les
violations du droit algérien et international par l’État
algérien et par les groupes qui se réclament de
l’Islam.


6-1. Les violations du droit algérien
La
Constitution de 1989 (amendée en 1996) établit le
pluralisme politique, la séparation des pouvoirs et garantit
les libertés fondamentales et les droits de l’Homme.
Certains
textes législatifs ou exécutifs — comme le décret
n° 92-44 du 9 février 1992, relatif à
l’établissement de l’état d’urgence,
prorogé sans date limite depuis 1993, ou le décret
législatif n° 92-03 du 30 septembre 1992
« relatif à la lutte contre la subversion et le
terrorisme », concernant notamment la création
de cours spéciales — ouvrent la voie à des
violations de la Constitution.


6-1-1. L’illégalité de l’interruption
du processus électoral et de l’état d’urgence

La
Constitution de 1989 prévoit que l’état
d’urgence, l’état de siége ou l’état
d’exception sont décrétés par le président
de la République (articles 74.6, 86 et 87). Or, le décret
portant l’instauration de l’état d’urgence
du 9 février 1992 a été signé par le
président du « Haut Comité d’État »
— qui n’était pas prévu par la Constitution
— et non par le président de la République.
La mise en
place de ce Haut Comité a constitué une violation
flagrante de la Constitution.
En outre,
la Constitution prévoit un terme déterminé pour
l’état d’urgence. Or, le décret
présidentiel n° 93-02 du 6 février 1993 a
prorogé l’état d’urgence sans fixer aucun
terme.
Selon le commandement
militaire, son intervention était rendue nécessaire
parce que la victoire électorale du FIS mettait la démocratie
en danger, avec l’instauration d’un État
islamique, en violation de la Constitution, que le FIS s’apprêtait
à déclarer. Il est cependant établi que ce sont
bien les autorités constitutionnelles qui ont autorisé
et même incité le FIS à se présenter aux
élections.
Le
Tribunal est bien conscient de l’importance et de la gravité
du dilemme éthico-politique ouvert par la victoire électorale
d’une majorité politique dont le programme prévoyait,
selon l’accusation mise en avant sans nuance par les
militaires, la destruction du système démocratique et
l’élimination des droits fondamentaux. Toutefois, la
Constitution algérienne prévoit deux dispositions
spécifiques destinées à répondre à
un tel danger. La première est la proclamation de l’« état
d’urgence » par le président de la
République, prévu par les articles 86 et 87,
« en cas de nécessité » et
« lorsque le pays est menacé d’un péril
imminent contre ses institutions ». La seconde est le
pouvoir de dissoudre l’Assemblée populaire nationale
conféré au président de la République par
l’article 129.
Le fait
que les chefs des forces armées ont imposé l’annulation
des élections de 1991 sans attendre que l’une de ces
deux procédures ait été adoptée par le
président au moment où les menaces des extrémistes
islamistes se seraient concrétisées, apparaît à
ce Tribunal comme la marque évidente de la volonté du
pouvoir militaire de profiter du danger islamiste pour réaliser
lui-même un coup d’État visant à imposer,
par l’état d’urgence permanent, sa domination
politique sur la société algérienne et sur ses
institutions — ce que confirmera, en juin 1992, le
mystérieux assassinat du nouveau président Mohammed
Boudiaf (qui s’opposait de plus en plus à certains chefs
de l’armée), exécuté par un officier de
ses services de sécurité.
Le
Tribunal relève aussi que des partis politiques parmi les plus
représentatifs, comme le Front des forces socialistes (FFS) et
le Front de libération nationale (FLN), avaient pris position
contre l’annulation des élections.
Par
ailleurs, les décisions illégales prises, par la suite,
par le commandement militaire et par le HCE qu’il a mis en
place, sont loin de concourir au rétablissement des règles
constitutionnelles (ce qui est le seul but qui légitime l’état
d’urgence selon la notification faite par le gouvernement
algérien lui-même aux Nations unies) et à
l’organisation d’élections législatives et
présidentielles, conformément à la Constitution
et au projet de « sauver la démocratie »
annoncé lors de l’intervention de l’armée.
C’est seulement en 1995, en 1996 et 1997 que furent
respectivement organisées des élections
présidentielles, le référendum de révision
de la Constitution et les élections législatives.


6-1-2. L’illégalité de la mise sous tutelle
de la magistrature

La même
Constitution de 1989 prévoit que le Conseil supérieur
de la magistrature décide, dans les conditions que la loi
détermine, des nominations des magistrats (art. 146). En
violation de cette disposition, l’article 17 du décret
n° 92-03 instituant les Cours spéciales prévoit
que :

« Le président et les assesseurs de la
Cour spéciale et de la Chambre de contrôle ainsi que le
procureur général de la Cour spéciale sont
nommés par décret présidentiel non publiable,
sur proposition du ministre de la Justice. Les autres magistrats sont
nommés par arrêté non publiable du ministère
de la Justice. »
En outre,
la Constitution prévoit, à l’article 141,
que « la loi protège les justiciables contre tout
abus ou toute déviation du juge », alors que le
décret cité ci-dessus établit à
l’article 17 l’anonymat des juges (ce qui, au
demeurant, empêche leur récusation).

6-1-3. La manipulation des élections
Le
Tribunal observe que toutes les élections qui se sont
déroulées en Algérie après l’annulation
des élections de 1991, décidée par le
commandement militaire, donnent des résultats favorables aux
forces politico-militaires qui ont pris le pouvoir en janvier 1992,
dans les conditions précitées.
Le
Tribunal relève que l’opposition politique la plus
représentative n’a pas participé aux élections
présidentielles de 1995 et que presque tous les partis
politiques, d’opposition ou non, ont dénoncé la
manipulation des élections législatives de 1997, y
compris par des manifestations publiques. Les élections
présidentielles d’avril 1999 ont été
boycottées par tous les autres candidats, qui ont dénoncé
les dispositifs mis en place pour faire élire le candidat
choisi par le commandement militaire, c’est-à-dire
l’actuel chef de l’État, M. Abdelaziz Bouteflika.
Par
exemple, dans plusieurs cas, les urnes « itinérantes »
ont été détournées pendant leur transport
au lieu de dépouillement par les services de sécurité,
qui ont refusé toute présence de représentants
des candidats, et ensuite remises par ces mêmes services aux
bureaux compétents. De même, la présence
d’observateurs a été refusée dans tous les
bureaux de vote installés dans les casernes et tous les locaux
de police et de sécurité.
Le
Tribunal considère que dans ces conditions, le peuple algérien
s’est vu confisquer son droit à l’autodétermination,
qu’il avait conquis après une longue lutte de libération
et le sacrifice de centaines de milliers de ses enfants, pour la
liberté. Le droit à l’autodétermination ne
signifie pas seulement le droit de constituer un État. Il
signifie aussi le droit du peuple d’être libre et de
participer par des institutions librement élues à
l’élaboration des choix politiques, économiques
et sociaux (articles 6, 7, 14, 28, 30 et 31 de la Constitution
du 1989, non modifiés en 1996, sauf la numération).

6-2. Les violations du droit international et des conventions
ratifiées par l’Algérie

Les faits
présentés au Tribunal constituent des violations
flagrantes, de la part des autorités algériennes et de
différents groupes armés qui se réclament de
l’Islam, de plusieurs conventions internationales. Il s’agit
notamment des violations de la Déclaration universelle des
droits de l’Homme, du Pacte international de 1966 relatif aux
droits civils et politiques, de la Convention contre la torture de
1984, de la Convention de 1979 sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes. Il s’agit aussi des violations des règles du
droit international relatives aux conflits internes, particulièrement
le IIe protocole additionnel aux conventions de Genève
de 1949. Toutes ces conventions ont été ratifiées
par l’État algérien.
Ces faits
constituent en même temps une violation des règles
générales coutumières du droit international,
établies conformément à l’article 38
du statut de la Cour internationale de justice, du Statut de Rome de
la Cour pénale internationale — qui a été
signé mais non ratifié par l’Algérie —,
pour ce qui concerne la définition des crimes contre
l’humanité et des crimes de guerre.
Les
dispositions de la Charte d’Alger, concernant les droits des
peuples, adoptée en 1976 par de nombreuses personnalités
et des organisations non gouvernementales, sont également
violées.
Avant
d’aborder les violations de toutes ces règles de droit
international par l’État algérien et par les
différents groupes qui se réclament de l’Islam,
le Tribunal précise que :
- les conventions
internationales et les règles coutumières s’adressent
principalement aux États. Il en résulte que l’État
a la responsabilité du maintien de l’ordre et de la
sécurité pour tous sur l’ensemble du territoire.
L’État peut donc être déclaré
responsable des violations des conventions internationales constatées
sur son territoire ;
- le fait
que les organisations politiques et/ou militaires, telles que les
groupes armés islamistes, ne soient pas des sujets du droit
international, n’exclut pas qu’ils puissent être
dénoncés et condamnés comme responsables de
violations des droits de l’Homme.

6-2-1. Crimes contre l’humanité et crimes de
guerre


a) Les massacres de populations
Le
Tribunal s’est longuement penché sur les nombreux
massacres dont ont été victimes les populations de
plusieurs régions d’Algérie. La responsabilité
de ces massacres a été immédiatement imputée
à des groupes islamiques armés par le gouvernement
algérien. Il est certain que plusieurs massacres ont été
commis par ces groupes mais, par la suite, d’anciens officiers
transfuges de l’armée algérienne avancent des
témoignages et des éléments tendant à
impliquer de diverses manières, notamment par les
manipulations, des officiers en activité dans la commission de
ces massacres.
Pour
certains de ces massacres parmi les plus sanglants (voir notamment le
massacre de Bentalha), la responsabilité directe du pouvoir
militaire a été prouvée au Tribunal par des
témoignages particulièrement précis et
circonstanciés de rescapés (voir notamment le poignant
témoignage de M. Nesroulah Yous et le Dossier CJA n° 2).
Ces
massacres rapportés au Tribunal sont des attaques
systématiques ou généralisées aux
populations civiles en vue de semer la terreur dans le cadre
d’objectifs jugés stratégiques par leurs auteurs.
Les auteurs de ces massacres et leurs complices sont dès lors
responsables de crimes contre l’humanité au terme de la
définition donné par le Statut de Rome de la Cour
pénale internationale (art. 7-1).
Indépendamment
de la responsabilité directe ou de la complicité des
forces militaires dans ces massacres, il est certain que ces forces
ne sont pas intervenues pour empêcher les massacres qui se
produisaient à proximité des casernes ou des lieux où
ces forces mêmes étaient présentes et en mesure
d’intervenir.
Le droit
international établit (articles 2 et 6 du Pacte
international de 1966 relatif aux droits civils et politiques) que
les États ont le devoir de prévenir et de réprimer
les violations des droits de l’Homme. L’État
algérien n’a pas respecté ces obligations. Le
Tribunal relève donc une évidente responsabilité
de l’État algérien par omission.
Le
Tribunal considère que les arguments avancés par les
autorités pour justifier l’absence d’interventions
ou de secours aux populations — « difficultés
d’agir la nuit, peur d’embuscades, absence d’ordre
de la hiérarchie militaire pour intervenir » —
ne sont pas crédibles. De plus, l’« absence
d’ordres de la hiérarchie » est, par elle
même, une admission de responsabilité.
Le Tribunal relève
que la manipulation des groupes armés islamistes par les
forces de sécurité, concernant ce qui a été
établi, si elle permet d’impliquer une intervention
délibérée et condamnable des forces de sécurité
dans les massacres, ne disculpe pas ces groupes de leur
responsabilité dans la commission de ces crimes contre
l’humanité.

b) Les disparitions forcées
Comme le
Tribunal l’a relevé lors de la narration des faits, la
« Commission nationale consultative de promotion et de
protection des droits de l’Homme » (CNCPPDH) et le
« mécanisme ad hoc » pour le
traitement de la question des disparus, que le gouvernement algérien
a mis en place, reconnaissent, après des années de
dénégations, qu’ils ont recensés plus de
5 200 cas de disparitions.
Les faits
rapportés au Tribunal permettent de retenir que de très
nombreux cas de disparitions forcées sont le fait de groupes
armés islamistes et des forces armées et de sécurité
ou de leurs auxiliaires.
Le
Tribunal considère que compte tenu de leur nature, de leur
ampleur et des conditions qui les entourent, les milliers de
disparitions forcées constituent des violations flagrantes du
droit international général et des conventions
internationales ratifiées par l’Algérie. Ces
disparitions forcées constituent particulièrement une
violation répétée : de l’article 9
du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et
politiques ; du Protocole additionnel II aux Conventions de
Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits armés non
internationaux ; du Statut de la Cour pénale
internationale (article 7-1-i), interprétés selon
la Déclaration sur la protection de toutes les personnes
contre les disparitions forcées adoptée par l’Assemblée
générale des Nations unies, le 18 décembre
1992.
Contrairement
à l’article 13 alinéa 1 de cette
Déclaration, qui dispose que dès lors qu’il
existe une raison légitime de croire qu’une personne a
été victime d’une disparition forcée,
l’autorité compétente désignée par
l’État doit mener une enquête approfondie, aucune
enquête impartiale, indépendante et crédible n’a
jamais été menée par les autorités
militaires ou gouvernementales.
Qui plus
est, durant un témoignage, le Tribunal a reçu un
questionnaire proposé aux familles des victimes par la
Commission nationale consultative de promotion et de protection
des droits de l’Homme, dans lequel l’on demande :
« La famille du disparu accepterait-elle une indemnisation
susceptible de lui être proposée par l’État ? »
Il est évident qu’une telle demande, adressée aux
familles des victimes par une institution publique, équivaut à
une admission implicite de la responsabilité de l’État
dans les disparitions qui ont eu lieu. En outre, cette demande
signale l’indisponibilité de l’État à
mener une enquête réelle sur ces crimes et aussi sa
tentative d’éluder la demande de vérité et
de justice par un dédommagement matériel.
Or,
d’après la Déclaration des Nations unies
précitée, « toute disparition forcée
doit être considérée comme un crime aussi
longtemps que les faits n’ont pas été élucidés »
(article 17) ; d’après l’article 18,
les auteurs des actes de disparition forcée ne peuvent pas
bénéficier d’une loi d’amnistie ou d’autres
mesures analogues qui auraient pour effet de les exonérer de
poursuites ou sanctions pénales.
Ces
violations répétées ou systématiques
constituent des crimes contre l’humanité au terme de
l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale, selon lequel l’acte de « disparitions
forcées de personnes » doit être reconnu
comme tel « lorsqu’il est commis dans le cadre d’une
attaque généralisée ou systématique
lancée contre toute population civile et en connaissance de
cette attaque ».

c) Les tortures
Le
Tribunal a pris connaissance de nombreux cas de torture et de mauvais
traitement infligés à des individus, des familles et
des groupes par les forces de sécurité de l’État
et par leurs auxiliaires.
Le
Tribunal relève que des postes officiels des forces armées
(casernes, commissariats de police, postes de gendarmerie…)
sont munis d’instruments de torture. Cette situation indique
que le commandement militaire connaît l’existence de ces
crimes. Il a été au demeurant plusieurs fois interpellé
par les ONG de défense des droits de l’Homme, par le
Comité des droits de l’Homme de l’ONU (en
août 1998), ainsi que par les Rapporteurs spéciaux
des Nations unies sur la torture, les exécutions
extrajudiciaires et les disparitions forcées. Il a été
également interpellé par d’autres organisations
internationales, notamment par la Commission africaine des droits de
l’Homme et des peuples et par le Parlement européen.
Aucune action notable, à part les dénégations
rejetant la commission d’actes de tortures et autres violations
graves des droits de l’Homme, n’a été
relevée par les ONG ou par les organisations internationales
en vue de mettre fin aux violations constatées.
Au terme
de l’article 7 du Pacte international sur les
droits civils et politiques, « nul ne sera soumis à
la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants ». L’Algérie a également
ratifié la Convention contre la torture et d’autres
peines ou traitements cruels inhumains et dégradants du
19 décembre 1984.
Le
Tribunal relève que la responsabilité de nombreux chefs
militaires de l’État et de leurs auxiliaires est
engagée. La torture et les mauvais traitements ont été
pratiqués d’une façon systématique dans
des postes et centres officiels en plusieurs points du territoire et
sur une longue période. Le Tribunal considère qu’il
s’agit donc d’actes de torture décidés en
connaissance de cause pour obtenir des renseignements et pour
soumettre non seulement les suspects, mais également les
sympathisants, les proches et plus généralement tous
ceux qui ne se rangent pas du côté des politiques
décidées par le commandement militaire.
La
Convention contre la torture de 1984 dispose qu’aucune
circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, par exemple
en cas de conflit interne ou international ou d’instabilité
politique, ne peut être invoquée pour justifier la
torture.
La torture
en tant qu’acte isolé est condamnée par les
conventions internationales. Pratiquée à l’échelle
où elle l’a été en Algérie, de
façon généralisée ou systématique,
elle devient un crime contre l’humanité. Car la
définition de l’article 7 du Statut de Rome de la
Cour pénale internationale, qui considère la torture
comme un crime contre l’humanité lorsqu’elle
est pratiquée de façon systématique ou
généralisée, doit être considérée
comme l’expression du droit international dans sa phase de
développement actuel. Les pratiques de torture sont en effet
dénoncées par les peuples du monde entier comme des
crimes qui révoltent la conscience et portent atteinte à
la dignité de tous les êtres humains. Il en résulte
que cette définition du Statut de Rome est applicable à
tous les États, même lorsque ce Statut n’a pas été
ratifié par l’un d’entre eux.
Dans ces
conditions, le Tribunal décide que les crimes de torture
qui ont été pratiqués en Algérie en
octobre 1988 et à partir de 1992 jusqu’à ce
jour de façon systématique ou généralisée
contre la population civile, sont des crimes contre l’humanité.

d) Les crimes de viol
Plusieurs témoignages
rapportés par des organisations de défense des droits
de l’Homme ont été présentés au
Tribunal établissant des enlèvements de jeunes femmes
suivis de viols.
Le viol est un crime aux
termes du code pénal algérien. Le viol est également
réprimé par le droit international comme un crime
contre l’humanité lorsqu’il est accompli avec les
caractéristiques que précise le Statut de Rome de la
Cour pénale internationale (article 7-1-g).
Cette
qualification est confortée par la jurisprudence, notamment
celle des tribunaux pénaux internationaux pour
l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Le Tribunal pour
l’ex-Yougoslavie a ainsi décidé que « les
règles du droit pénal international répriment
non seulement le viol, mais aussi toute violence sexuelle grave12 ».
Le
Tribunal Permanent des Peuples considère
que les viols perpétrés par les groupes armés
islamistes dans le cadre d’attaques généralisées
ou systématiques contre des populations civiles prises pour
cibles sont des crimes contre l’humanité.
Sur les
viols et abus commis par des forces de sécurité et
leurs auxiliaires, le Tribunal constate que, lors des scènes
de torture infligées aux détenus par les forces de
sécurité, des abus sexuels tels que la pénétration
anale par des bâtons ou des bouteilles ont été
pratiquées. Le Tribunal, sur la base de l’argumentation
précédente, décide qu’il s’agit de
crimes contre l’humanité.

e) Sur l’imprescriptibilité de ces crimes contre
l’humanité

La
Convention contre la torture de 1984 interdit implicitement la
prescription des actes de torture. Cette Convention doit être
interprétée compte tenu des apports des autres
conventions internationales dans ce domaine, et notamment le Statut
de Rome de la Cour pénale internationale. Ainsi, l’article 29
du Statut de Rome et l’article 1er de la Convention
du 26 novembre 1986 sur l’imprescriptibilité des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité
établissent très clairement l’imprescriptibilité
de ces crimes. Cette imprescriptibilité, donc, concerne tous
les crimes que le tribunal vient de constater.

6-2-2. Les assassinats individuels et les exécutions
extrajudiciaires

Enfin, le Tribunal
constate que de très nombreux assassinats ont été
perpétrés par les forces de sécurité et
leurs auxiliaires et par les groupes armés qui se réclament
de l’islam. Des personnalités politiques, syndicales,
associatives, des intellectuels, des journalistes, des écrivains,
des hommes de théâtre, des travailleurs et des
commerçants ont été assassinés par les
protagonistes du conflit. Toutes les organisations de défense
des droits de l’Homme, algériennes ou internationales,
concordent pour établir que ces crimes sont commis tant par
les forces de sécurité de l’État que par
les groupes divers qui se réclament de l’islam, bien que
chacune de ces forces impute à l’adversaire la
responsabilité de ces actes.
Dans ce domaine comme dans
certains autres cas, le Tribunal n’a pas les moyens de
rechercher les responsabilités individuelles des assassinats.
Il suffit qu’il soit établi que ces assassinats ont été
commis par les différentes parties au conflit. Le Tribunal
n’entreprend pas non plus d’établir une sorte de
classement macabre pour indiquer laquelle des parties au conflit a
commis le plus d’assassinats de massacres ou de violations des
droits de l’Homme. Ce faisant, il adopte, à ce sujet,
une attitude qui a été adoptée par les
organisations de défense des droits de l’Homme qui
constatent les violations de ces droits et les dénoncent sans
opérer un quelconque classement.
Le
Tribunal a également pris connaissance de nombreux cas
d’exécution extrajudiciaires à la suite de
simulacres de procès organisés par des groupes
islamistes. Les forces de sécurité de l’État

ont procédé à de nombreuses exécutions
extrajudiciaires ; à titre d’exemples,cela a
notamment été le cas en Kabylie, à partir
d’avril 2001, où, selon un rapport de la Ligue
algérienne pour la défense des droits de l’Homme
(voir document 3-10), la répression par tirs à balles
réelles de manifestations publiques s’est traduite par
la mort de plus de 100 personnes.
Sur le
plan juridique, le droit algérien — notamment la
Constitution de 1996 (article 34) — garantit
l’inviolabilité de la personne humaine.
L’Algérie
est soumise à la Déclaration universelle des droits de
l’Homme, devenue partie intégrante du droit
international coutumier, et elle a ratifié le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966. L’article 3 de la Déclaration universelle des
droits de l’Homme stipule que « tout individu a
droit à la vie, à la liberté et à la
sûreté de sa personne ». L’article 6-1
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
dispose que « le droit à la vie et inhérent
à la personne humaine. Ce droit doit être protégé
par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la
vie ».

6-2-3. Sur la poursuite de la violence
Outre ces
décisions relatives aux principaux faits établis, le
Tribunal croit utile de souligner que la violence continue à
faire des victimes en Algérie et qu’aucune solution
politique ne semble être engagée pour mettre fin aux
souffrances du peuple algérien et pour lui permettre d’exercer
pleinement son droit à l’autodétermination.
Il est
alors de la compétence du gouvernement algérien de
prendre des mesures en vue de rétablir l’état de
droit. Il est particulièrement urgent d’entamer un
processus qui, par des mesures politiques, économiques et
sociales, donne ses chances à une transition démocratique.
Dans ce sens, le Tribunal demande que, pour assainir la vie
politique, soit mis un terme aux activités de la police
politique : l’autonomie des partis politiques, des
syndicats et des associations est une exigence fondamentale pour
construire un État démocratique.
Le
Tribunal demande instamment au gouvernement algérien de
prendre les mesures pour une véritable séparation des
pouvoirs et pour assurer l’indépendance effective de la
justice et de la magistrature, conformément à la
Constitution algérienne, à la Déclaration
universelle des droits de l’Homme, au Pacte international sur
les droits civils et politiques et aux Principes fondamentaux des
Nations unies relatifs à l’indépendance de la
magistrature, confirmés par l’Assemblée générale
des Nations unies dans ses résolutions 40/32 du 29 novembre
1985 et 40/146 du 13 décembre 1985.
À
cet égard, le Tribunal fait siennes les toutes récentes
conclusions du Rapporteur spécial des Nations unies sur
l’indépendance des juges et des avocats,
M. Leandro Despouy, qu’il convient ici de rappeler :

« S’agissant du terrorisme, il tient à
dire sa conviction qu’il ne saurait être efficacement
combattu à long terme par le biais de mesures qui violent
l’état de droit et le droit international. Une telle
approche risque d’encourager, voire d’être prise
pour justification pour de nouvelles attaques terroristes chaque fois
plus violentes, tout en minant le système légal
international et la capacité de prévention et réponse
des États. Les incidences sur l’administration de la
justice ordinaire et la jouissance des droits de l’Homme sont
incalculablement profondes et graves. Quant à la préservation
de la sécurité de l’État, elle ne devrait
pas être au prix des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales et signifier une atteinte au droit d’être
jugé par un tribunal indépendant et impartial établi
par la loi, droit qui ne saurait souffrir aucune exception.

Le Rapporteur spécial est d’avis que pour
favoriser la lutte contre l’impunité et soutenir la
défense du droit des victimes à la vérité,
à la justice et à réparation, il pourrait être
intéressant de créer une base de données
internationales sur les processus dits de justice et réconciliation,
de façon à mettre à la disposition des États
intéressés, en plus d’une éventuelle
assistance technique, les bonnes pratiques et la jurisprudence dont
ils pourraient s’inspirer. »

7. Conclusions

7-1. La nécessité de mettre fin au caractère
institutionnel des violations des droits de l’Homme.

Le
Tribunal trouve inacceptable que le gouvernement algérien ait
invoqué la souveraineté nationale pour demander la
non-intrusion de la part des organismes internationaux sur les
questions concernant les violations des droits de l’Homme. Cela
pour deux raisons.
Premièrement,
parce que les violations des droits de l’Homme ne regardent pas
seulement des questions de politique intérieure. Les droits de
l’Homme représentent des limitations à la
souveraineté de l’État, car ils touchent non
seulement le droit intérieur, mais aussi le droit
international. Leurs violations représentent autant de
violations des chartes internationales des droits fondamentaux,
auxquelles l’État algérien est partie et, quand
elles sont systématiques, généralisées et
à grande échelle, autant de crimes contre l’humanité.
Deuxièmement,
le recours à l’argument de la souveraineté pour
occulter les violations des droits de l’Homme représente
une contradiction inacceptable. L’article 6 de la
Constitution algérienne établit que « la
souveraineté appartient exclusivement au peuple »,
et le peuple n’est pas une notion abstraite mais, bien au
contraire, l’ensemble de ses citoyens, c’est-à-dire
toutes les personnes physiques qui le composent, dont les droits
fondamentaux sont autant de fragments de la souveraineté
populaire. Pour cette raison, toute violation des droits fondamentaux
n’est pas seulement un crime contre la personne humaine, mais
aussi un crime contre la souveraineté populaire.
Le Tribunal souligne, à
ce propos, non sans un profond désarroi, que les agressions
dénoncées dans cette session contre la souveraineté
populaire et contre les droits des peuples se sont produites
précisément contre le peuple algérien, dont la
lutte, dans les années 1950, contre la colonisation française,
a été le symbole de la libération des peuples
dans l’imaginaire politique du monde entier. Au point que c’est
à Alger, en 1976, qu’a été déclarée
la « Charte des droits des peuples », qui
représente l’une des principales sources de droit dont
s’inspire ce Tribunal même.
Bien sûr,
au cours des cinq dernières années, les conditions de
sécurité se sont incontestablement améliorées.
Ainsi qu’il a été communiqué par le
dernier rapport d’Amnesty International et relevé par de
nombreux observateurs, il semble que l’on assiste à un
recul des actes de violence, de la part des formations militaires
comme des groupes armés islamistes Attentats, assassinats,
disparitions et tortures se produisent toujours, mais de façon
nettement réduite par rapport au passé.
Ce qui
reste préoccupant, malgré tout, c’est le
refoulement — de la part du gouvernement, de la plupart des
forces politiques et de la presse internationale — des faits
qui concernent les violations des droits de l’Homme commises
dans le passé et en partie encore aujourd’hui :
l’idée que l’on voudrait faire passer est qu’une
normalisation démocratique s’est produite. Les tortures,
les massacres, la complicité et la connivence entre le
terrorisme et certaines parties de l’appareil militaire, l’état
d’urgence même, toujours maintenu, sont très peu
présents dans le débat public : comme si la lutte
contre le terrorisme avait déjà été
gagnée et le passage à la démocratie conclu ou
sur le chemin d’un accomplissement progressif.
Au
contraire, ce Tribunal considère qu’une normalisation de
la vie politique algérienne et l’instauration d’une
véritable démocratie sont possibles seulement à
condition que les illégalités et les horreurs du passé
soient reconnues et que la collectivité prenne conscience de
leurs raisons structurelles, politiques et sociales. Ce n’est
qu’en vérifiant et en dénonçant
systématiquement les atrocités du passé, qu’un
ferme « jamais plus », par rapport à la
possibilité que tout cela se reproduise, pourra se développer
dans le sens commun.
C’est
là, précisément, que se trouvent les raisons qui
justifient la présente session du Tribunal des peuples sur
l’Algérie : dans la volonté de contribuer à
une prise de conscience face aux crimes commis contre l’humanité,
ainsi qu’à leurs multiples causes et responsabilités
qui sont aussi institutionnelles. Cette prise de conscience
représente, selon le Tribunal, la condition nécessaire
pour qu’un réel changement politique et culturel se
produise, mais surtout une rupture radicale par rapport au passé.
Il n’est
évidemment pas possible, pour ce Tribunal, d’identifier
toutes les causes, multiples et complexes, de la spirale de violence
qui a touché l’Algérie après 1988.
Cependant, il en reconnaît la raison principale :
l’absence de l’État de droit, due essentiellement
à l’ingérence du pouvoir militaire dans la vie
politique, économique et juridique ; c’est-à-dire
l’absence d’un système juridique qui ne tolère
aucun pouvoir clandestin ou non assujetti à la loi, qui
soumette la force au droit et les pouvoirs publics à la
garantie des droits fondamentaux, notamment le droit à la vie.
En d’autres termes,
le problème est que le principe de légalité,
comme source de légitimation de tout pouvoir, en commençant
par celui qui utilise la force, n’a jamais été
opérant. En même temps, la raison d’être de
l’État, qui consiste dans la garantie de la vie de ses
propres citoyens, s’est effondrée. En effet, le pays se
distingue, dans les années 1990 et encore aujourd’hui,
par son caractère déréglé : une
sorte de régression à des guerres entre bandes
organisées, qui font du peuple algérien l’otage
de violences croisées, et nient l’État de droit
comme instrument de garantie de la paix et de la vie.
Parmi les
deux formes de violence — celle des groupes armés
islamistes et celle des forces de sécurité —, il
y a d’ailleurs une différence de fond. La violence
terroriste — assassinats, massacres, séquestrations de
personnes — est ouvertement et sans aucun doute une violence
criminelle. Malgré tout, celle-ci est identifiable et
reconnaissable comme criminalité — et est ainsi, en tant
que telle passible d’être stigmatisée comme
illégitime, non seulement sur le plan juridique, mais aussi
sur le plan politique —, à condition que l’État
réagisse en utilisant les instruments du droit pénal
conformes au droit international : c’est-à-dire en
jugeant les responsables des crimes au moyen d’une juridiction
indépendante strictement soumise à la loi, qui
garantisse la protection des innocents et qui applique les peines
prévues par la loi. C’est dans l’asymétrie
de cette réponse que réside la différence, ou
mieux, l’antinomie et l’opposition entre droit et guerre,
entre peine et violence sauvage et criminelle, entre institutions
juridiques et terrorisme. Au contraire, ce qui s’est passé
en Algérie, c’est que le pouvoir public a répondu
à son tour au terrorisme par l’illégalité
et la violence criminelle, se mettant ainsi au même niveau que
le terrorisme ou, ce qui revient au même, élevant le
terrorisme à son niveau, comme s’il s’agissait de
faire face à des ennemis plutôt qu’à des
criminels.
La cause
profonde de la spirale de violence qui s’est développée
en Algérie — ainsi que de la perte de légitimité
des institutions dans la conscience collective, de la méfiance
envers la démocratie et du développement même du
terrorisme — se trouve dans la perte de cette asymétrie
entre État et terrorisme, entre réaction légale
à la violence criminelle et criminalité même.
En
Algérie, il s’est produit quelque chose de très
proche de ce qui s’est passé sur le plan international,
en Afghanistan et en Irak, avec la réponse au terrorisme
global par la guerre : une réponse qui, en cassant
l’asymétrie entre droit et criminalité, entre
institutions publiques et terrorisme, a alimenté, au lieu de
s’y opposer, le terrorisme même. Au lieu de la mise en
œuvre de moyens légaux — comme les investigations
de la police sur ses réseaux clandestins, l’isolement et
la capture des responsables —, la réponse par la guerre,
qui pour cette raison s’annonce comme « infinie »,
a abaissé les États qui l’ont mise en place au
niveau du terrorisme. Tous les jours, au nom d’une « guerre
sans limites contre le terrorisme », ces États
violent — ou n’empêchent pas que soient violées,
ce qui revient d’ailleurs au même — de façon
de plus en plus grave les règles qu’ils ont eux-mêmes
édictées dans leurs Constitutions et par les
stipulations des Traités internationaux.
En ce qui
concerne l’état d’urgence, en particulier,
l’article 4 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques du 16 décembre 1966, établit
que :

« Dans le cas où un danger public
exceptionnel menace l’existence de la nation et est
proclamé par un acte officiel, les États parties au
présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où
la situation l’exige, des mesures dérogeant aux
obligations prévues dans le présent Pacte, sous
réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les
autres obligations que leur impose le droit international et
qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée
uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion
ou l’origine sociale. »
Il est de
toute évidence que cette norme doit être strictement
interprétée, soit dans la durée de l’état
d’urgence, soit dans son étendue. Il s’agit donc
d’une dérogation exceptionnelle. Au contraire, en
Algérie pendant les années 1990 et 2000, et
maintenant dans plusieurs pays du monde, l’état
d’urgence et la dérogation sont de mise et constamment
invoqués. Dans cette optique, les violations des droits de
l’Homme ont désormais un caractère
institutionnel, discrétionnaire et justifié par la
raison d’État et sans la prévision d’un
terme final.

7-2. Les mesures qui s’imposent pour favoriser un véritable
processus de démocratisation en Algérie

Ce
Tribunal n’entend pas se limiter à une sévère
condamnation des responsables des crimes contre l’humanité
qui ont été constatés au cours du jugement,
commis par des groupes terroristes qui se réclament de
l’islam, ainsi que par des formations des forces de sécurité
et surtout de leurs commandants. La gravité de ces crimes et
surtout l’indifférence et le désintérêt
dont font preuve à cet égard les autorités
algériennes, une partie importante de la presse et de
l’opinion publique internationale, imposent plusieurs ordres de
mesures, si l’on veut favoriser un véritable processus
de démocratisation en Algérie.

7-2-1. La nécessité de mettre fin à
l’impunité

La
première mesure correspond à une sérieuse
« opération-vérité »,
menée, si la société algérienne ne
pouvait le faire elle-même, par une commission pour la vérité
des Nations unies : pour vérifier et ne pas oublier les
crimes qui ont été accomplis, encore plus que pour les
punir ; pour délégitimer, dans la conscience
collective, les horreurs du passé et pour éviter
qu’elles puissent se reproduire ; pour reconstruire la
crédibilité et la confiance dans les institutions.
Le droit
international établit le droit des citoyens à la
justice. À ce droit correspond l’obligation, de la part
de l’État, d’assurer l’application de la
justice, c’est-à-dire le fonctionnement de tribunaux
effectivement indépendants, qui jugent et font appliquer la
loi.
L’État
de droit n’existe pas si la violation des droits fondamentaux
de l’homme n’est pas jugée et si les responsables
des crimes ne sont pas punis en accord avec les règles d’un
procès équitable. L’impunité des crimes
violant les droits fondamentaux représente elle-même une
violation de ces droits. Il s’agit de la violation d’un
des droits fondamentaux faisant partie du noyau des droits auxquels
il n’est pas possible de déroger.
Dans le
même sens, le Tribunal invite l’État algérien
à autoriser les rapporteurs spéciaux prévus par
toutes les Conventions de l’ONU à accomplir leur mission
sur le territoire algérien. Les États ne peuvent
renoncer, dans le cadre de cette juridiction, à exercer
pleinement leur droit par le recours à l’amnistie ou à
des pratiques qui établissent l’impunité.
Dès
lors, toute mesure qui aurait comme résultat l’oubli et
l’effacement des horreurs, est inacceptable pour la conscience
éthique et juridique. On ne peut tourner la page qu’après
l’avoir entièrement éclairée et non
effacée.

7-2-2. La nécessité de soumettre le pouvoir
militaire au pouvoir politique, au respect de la loi et des droits
fondamentaux des citoyens et du peuple algérien

La
deuxième mesure à prendre est une rigoureuse
application de la nouvelle Constitution algérienne et la
valorisation des principes démocratiques établis par
celle-ci. Ce qui est avant tout indispensable et urgent est une
effective et réelle séparation des pouvoirs pour éviter
toute hypothèque sur les institutions algériennes par
le pouvoir militaire, qui doit être soumis, sans équivoque,
au pouvoir politique, au respect de la loi et des droits fondamentaux
des citoyens et du peuple algérien, et soumis aussi au
contrôle d’une magistrature réellement
indépendante et incorruptible.

7-2-3. La nécessité de mettre fin à l’état
d’urgence, d’abroger les lois exceptionnelles en
contradiction avec les droits fondamentaux, ainsi que le Code de la
famille

La
troisième mesure consiste dans une amélioration du
système législatif algérien. Il faut, en premier
lieu, mettre un terme à l’état d’urgence.
En second lieu, il est nécessaire d’abroger les
différentes lois exceptionnelles qui sont en contradiction
avec les droits et les libertés fondamentaux établis
par la Constitution algérienne.
Enfin,
doit être reconnue l’invalidité du Code de la
famille de 1984. Ce code, qui sanctionne l’infériorité
juridique de la femme, l’inégalité au sein du
couple et la soumission de la femme à son mari est en
contradiction flagrante avec l’article 29 de la
Constitution algérienne de 1996, qui établit :
« Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que
puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de […]
sexe ». Par conséquent, le Code de la famille est,
en entier, illégal pour deux raisons, la première liée
à la hiérarchie des sources et l’autre aux règles
sur la succession des lois dans le temps : en premier lieu,
parce qu’il est en contradiction avec une norme
constitutionnelle de degré qui lui est supérieure ;
en second lieu, parce qu’il a été abrogé
tacitement par la norme constitutionnelle en 1989.

7-2-4. La nécessité pour l’Union européenne
d’imposer à l’Algérie le respect des droits
fondamentaux

Enfin, le
tribunal souligne l’existence d’une responsabilité
spécifique de l’Union européenne, notamment en
raison de la déclaration de partenariat euroméditerranéen
de Barcelone de 1995, ainsi que de la « nouvelle politique
de voisinage » signée en 2004. Cette déclaration
confère aux parties contractantes — l’UE et les
pays du Maghreb — l’obligation de respecter les droits
fondamentaux. Sa satisfaction doit être imposée par
l’Union européenne à l’Algérie comme
condition de la poursuite des rapports de partenariat.

Annexe 1

A) Dossiers « violations des droits humains »
01. La
torture
02. Les
massacres
03. Les
disparitions forcées
04. Les
détentions arbitraires
05. Les
exécutions extrajudiciaires
06. Les
centres de tortures et d’exécutions
07. Les
violations de la liberté de la presse
08. Les
violations des libertés syndicales
09. Les
violations des libertés associatives
10. Les
violations des droits de l’Homme par les groupes armés
islamistes

B) Dossiers « contextuels »
11. Islam
et politique en Algérie avant 1962 : le rôle de
l’islam dans le mouvement national
12. Islam
et politique en Algérie depuis 1962 :
l’instrumentalisation de l’islam par le pouvoir et
l’émergence d’une opposition islamiste
13.
L’organisation du système politique
14.
Économie, prédation et État policier
15. Les
instruments juridiques de la répression
16.
L’organisation des forces de répression
17.
L’organisation des milices
18.
L’organisation de l’impunité
19. Le
mouvement islamiste algérien entre autonomie et manipulation

C) Dossiers « documents de base »

Chronologie générale, 1988-2004

1. Textes officiels algériens : Constitution, lois
et décrets (1989-2003)

1-1. Loi
90-19 du 15 août 1990 portant amnistie.
1-2.
Décret à propos de l’instauration de l’état
d’urgence, 9 février 1992.
1-3.
Décret sur les placements dans les centres de sûreté,
20 février 1992.
1-4.
Décret relatif à la lutte contre la subversion et le
terrorisme du 30 septembre 1992.
1-5.
Arrêté interministériel relatif au traitement de
l’information, 7 juin 1994.
1-6.
Extrait du Code pénal du 25 février 1995
(article 87 bis : Des crimes qualifiés
terroristes ou subversifs).
1-7.
Circulaire du ministre la Justice, 23 mars 1996.
1-8. Texte
des constitutions du 23 février 1989 et du 28 novembre 1996.
1-9. Loi

sur la concorde civile, 13 juillet 1999 (et les décrets
relatifs à l’application de certains articles).
1-10.
Décret relatif à la création d’une
commission ad hoc sur la question des disparus, 14 septembre
2003.
1-11. Les
textes internationaux signés et ratifiés par l’Algérie.

2. Sélection de textes politiques algériens
(1989-2001)

2-1. Le
projet de programme politique du FIS, 7 mars 1989.
2-2. La
plate-forme de Rome, 13 janvier 1995.
2-3.
Extraits des Mémoires du général Khaled
Nezzar, 1999.
2-4. FFS :
Mémorandum : pour une transition démocratique,
12 mai 2001.

3. Sélection de rapports sur les violations des droits
de l’Homme et des droits économiques et sociaux
(1995-2003)

3-1.
Syndicat national des avocats algériens, Comité des
avocats constitués, Familles des victimes et des détenus
de la prison de Serkadji, Ligue algérienne pour la défense
des droits de l’Homme (LADDH), Rapport préliminaire
sur le carnage de Serkadji (février 1995)
, 3 juillet
1995.
3-2.
Reporters sans frontières (RSF), La guerre civile à
huis clos,
mars 1997.
3-3.
Fédération internationale des ligues des droits de
l’Homme (FIDH), La levée du voile : l’Algérie
de l’extrajudiciaire et de la manipulation
, 1997.
3-4.
Amnesty International, La population civile prise au piège
de la violence
, novembre 1997.
3-5. Les
observations finales du Comité des droits de l’Homme de
l’ONU sur l’Algérie, août 1998.
3-6.
Rapport d’Hélène Flautre, député
européenne des Verts, après sa mission en Kabylie en
juin 2001.
3-7.
Fédération internationale des ligues des droits de
l’Homme (FIDH), Une population précarisée,
novembre 2001.
3-8.
Dernier rapport de la commission d’enquête officielle de
Mohand Issad sur les événements de Kabylie,
décembre 2001.
3-9.
Extrait du rapport du groupe de travail de l’ONU sur la
détention arbitraire de Abassi Madani et Ali Benhadj,
mars 2002.
3-10.
LADDH, La répression du printemps noir
(avril 2001-avril 2002), avril 2002.
3-11.
Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de
l’Homme, Instrumentalisation de la justice : les
victimes et leurs défenseurs sur le banc des accusés
,
juillet 2002.
3-12.
Rapport du rapporteur spécial de l’ONU sur la torture
(59e session de la Commission des droits de l’Homme
17 mars-25 avril 2003, extrait sur l’Algérie).
3-13.
Algeria-Watch et Salah-Eddine Sidhoum, Guerre, émeutes,
état de non-droit et destruction sociale, Situation des droits
humains en Algérie, année 2002
, mars 2003.
3-14.
Salah-Eddine Sidhoum, Liste non exhaustive de massacres
(1994-2002)
, mars 2003.
3-15.
Human Rights Watch, Vérité et justice en suspens :
la nouvelle commission étatique sur les « disparitions »
,
décembre 2003.
3-16.
Amnesty International, Mesures prometteuses ou simples
faux-fuyants
, septembre 2003.
3-17.
Salah-Eddine Sidhoum, Liste non exhaustive des victimes
étrangères
, avril 2004.
3-18.
Reporters sans frontières, Liste non exhaustive de
journalistes assassinés
.

4. Autres documents

4-1. Jean-René Farthouat et alii (conseils du général
Khaled Nezzar), Mémoire à Monsieur le procureur de
la République du tribunal de grande instance de Paris
,
17 décembre 2001.

4-2. Antoine Comte et William Bourdon (conseils de M. Habib
Souaïdia), Réponse au « Mémoire à
Monsieur le procureur de la République du tribunal de grande
instance de Paris » établi le 17 décembre
2001 par les conseils de général Khaled Nezzar
,
juin 2002, 1re partie.

4-3. Plainte pour séquestration et assassinat des moines de
Tibhirine déposée à Paris contre X par la
famille Lebreton et le père Armand Veilleux, 9 décembre
2003.

4-4. Algeria-Watch, Compilation de témoignages d’officiers
et policiers algériens dissidents (1994-2003)
.

5. Livres de référence
AGGOUN
Lounis et RIVOIRE Jean-Baptiste, Françalgérie,
Crimes et mensonges d’État. Histoire secrète, de
la guerre d’indépendance à la « troisième
guerre » d’Algérie
, La Découverte,
Paris, 2004.
Amnesty
International, Fédération internationale des ligues des
droits de l’Homme (FIDH), Human Rights Watch, Reporters sans
frontières, Algérie, le livre noir, La
Découverte, Paris, 1998.
BEDJAOUI
Youcef, ARROUA Abbas, AIT-LARBI Meziane, An Inquiry into the
Algerian Massacres
, Hoggar, Genève, 1999.
BENCHIKH
Madjid, Algérie, un système politique militarisé,
L’Harmattan, Paris, 2003.
BURGAT
François, L’Islamisme en face, La Découverte,
Paris, 2002.
CHAREF
Abed, Algérie, le grand dérapage, L’Aube,
La Tour d’Aigues, 1994.
Comité
algérien des militants libres de la dignité humaine et
des droits de l’Homme, Livre blanc sur la répression
en Algérie (1991-1994)
, tome 1, 2 et supplément
Hoggar, Plan-les-Ouates, 1995, 1996.
DENAUD
Patrick, Algérie : le FIS, sa direction parle,
L’Harmattan, 1997.
DUTEIL
Mireille et DEVOLUY Pierre, La Poudrière algérienne,
Calmann-Lévy, Paris, 1994.
GHALIOUN
Burhan, Islam et politique, la modernité trahie, La
Découverte, Paris, 1997.
HARBI
Mohamed, Le FLN, mirage et réalité. Des origines à
la prise du pouvoir (1945-1962),
Jeune Afrique, Paris, 1980 (et
Naqd-Enal, Alger, 1993).
LARIBI
Lyès, Dans les geôles de Nezzar,
Paris-Méditerranée, Paris, 2002.
MALTI
Djallal, La Nouvelle Guerre d’Algérie, La
Découverte, Paris, 1999.
MEYNIER
Gilbert, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Fayard,
Paris, 2002.
NEZZAR
Khaled, Algérie : échec à une régression
programmée
, Publisud, Paris, 2002.
Reporters
sans frontières (sous la direction de), Le Drame algérien.
Un peuple en otage
, La Découverte, Paris, 1994 (nouvelles
éditions : 1995 et 1996).
Algérie,
Le Livre noir. La Découverte Paris 1997.
Reporters
sans frontières, Le Livre noir de l’Algérie,
Paris, 1996.
Reporters
sans frontières (sous la direction de), Algérie, le
livre noir
, La Découverte, Paris, 2003.
SAMRAOUI
Mohammed, Chronique des années de sang. Algérie :
comment les services secrets ont manipulé les groupes
islamistes
, Denoël, Paris, 2003.
SOUAÏDIA
Habib, La Sale Guerre, La Découverte, Paris, 2001.
SOUAÏDIA
Habib, Le Procès de « La Sale Guerre »,
La Découverte, Paris, 2002.
YOUS
Nesroulah (avec la coll. de Salima MELLAH), Qui a tué à
Bentalha ? Algérie, chronique d’un massacre
annoncé
, La Découverte, Paris, 2000.
ZIREM
Youcef, Algérie, la guerre des ombres, GRIP/Complexe,
Bruxelles, 2002.

Annexe 2 : Le déroulement de la session

Vendredi 5 novembre 2004

Ouverture des travaux

* Salvatore Senese (président du Tribunal Permanent des
Peuples) et Gianni Tognoni (secrétaire général
du Tribunal Permanent des Peuples)
 : présentation
générale du Tribunal Permanent des Peuples et de
l’objet de la session.

* Madjid Benchikh (Comité Justice pour l’Algérie,
CJA) 
: présentation des objectifs de la saisine du
Tribunal Permanent des Peuples par le Comité Justice
pour l’Algérie.


I/ Tableau général de la période
1988-2004 : violations des droits humains et fonctionnement du
système

* François Gèze (expert, CJA) : Les grandes
phases de l’évolution des violations des droits humains
au cours de la période 1988-2004.

* Madjid Benchikh (expert, CJA) : L’organisation du
système politique.


II/ Le contexte historique : rôle de l’islam
dans le champ politique en Algérie.

* Mohammed Harbi (expert) : Le rôle de l’islam
dans le mouvement national avant 1962.

* Lahouari Addi (expert) : L’instrumentalisation de
l’islam par le pouvoir depuis 1962 et l’émergence
de l’islamisme.


III/ Le contexte économique : prédation,
corruption et complicités internationales en arrière-plan
des violations massives des droits de l’Homme.

* Omar Benderra (expert, CJA) : Économie,
prédation et État policier.

* Nicole Chevillard (expert) : Les motivations du soutien
international (en particulier de la France) au pouvoir algérien.

Samedi 6 novembre 2004

IV/ La torture

* Ahmed Cherbi (témoin).

* Salah-Eddine Sidhoum (expert) : Les centres de torture
et le « système tortionnaire ».


V/ Les disparitions forcées

* Hassan Ferhati (témoin, SOS Disparus).

* Yamina Guetni (témoin, SOS Disparus).

* Farida Ouaghlissi (témoin, SOS Disparus).

* Nasséra Dutour (expert, CJA et CFDA) : Le combat
actuel des familles de disparus et les tentatives d’étouffement
par la « commission Ksentini ».

* Déclaration écrite soumise par l’association
Somoud (Association des familles des victimes enlevées par les
groupes armés) au tribunal.

* Intervention de Me Mahi Ghouadni, ancien vice-président
de la LADH (Ligue algérienne des droits de l’Homme).


VI/ Les exécutions extrajudiciaires et les massacres

* Vincent Genestet (expert, CJA) : Les exécutions
extrajudiciaires.

* Nesroulah Yous (témoin) : Le massacre de
Bentalha.

* Salima Mellah (expert, CJA) : Les massacres de masse de
1996 à 1998.


VII/ Le contexte juridique : un appareil législatif
et réglementaire liberticide

* Yahia Assam (expert CJA) : Les instruments juridiques
de la répression, de 1992 à aujourd’hui.

* Me Sofiane Chouiter (expert, LADDH) : le fonctionnement

de la justice au quotidien.

* Hamida Bensadia (témoin) : Les violations
des droits des femmes (code de la famille) et des libertés
associatives.


VIII/ La responsabilité des groupes armés
islamistes dans les violations des droits de l’Homme et la
manipulation de la violence islamiste

* Madjid Benchikh (expert, CJA) : Les violations des
droits humains par les groupes islamistes.

* Salima Mellah (expert, CJA) : Le mouvement islamiste
algérien entre autonomie et manipulation.

* Jean-Baptiste Rivoire (expert) : Les cas des
assassinats des Pères blancs (décembre 1994) et
des moines de Tibhirine (mai 1996).


IX/ L’organisation du système de répression :
la structuration des forces de l’ordre et le rôle des
milices.

* Habib Souaïdia (témoin) : Le fonctionnement
des forces spéciales de l’armée dans la période
1992-1995.

* Mohamed Smaïn (témoin, LADDH) : Le rôle
des milices : le cas de Rélizane.

* Jeanne Kervyn (expert, CJA) : L’organisation des
forces de répression depuis 1992.


X/ L’organisation de l’impunité

* Yahia Assam (expert, CJA) : L’impunité
organisée dans la guerre et la loi sur la « concorde
civile ».

* Me Abdennour Ali Yahia (témoin, président de la
LADDH)
 : Conclusions générales.

* Rapport de synthèse des juges membres du Tribunal Franco
Ippolito et Philippe Texier.

Lundi 8 novembre 2004

11 h 00 : Conférence de presse du président
du Tribunal pour la présentation de la sentence du tribunal.

1
Voir www.internazionaleleliobasso.it

2
Publiés sur le site www.internazionaleleliobasso.it

3
Voir la liste de la documentation en annexe n° 1.

4
Voir le déroulement des séances et les noms des
intervenants en annexe n°2, disponible aussi auprès du
Secrétariat du Tribunal Permanent des Peuples comme seule
documentation officielle.

5
Voir Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Françalgérie,
Crimes et mensonges d’État. Histoire secrète, de
la guerre d’indépendance à la « troisième
guerre » d’Algérie
, La Découverte,
Paris, 2004.

6
À noter toutefois la déclaration du Département
d’État soutenant la demande d’une commission
d’enquête internationale (Daily Press Briefing
released by the Office of the Spokeman
, US Department of State,
6 janvier 1998), restée cependant sans suites.

7
Conseil consultatif national (CCN), ersatz du Parlement dissous qui
n’a que des prérogatives vagues et aucun pouvoir
légiférant.

8
Conseil national de transition, créé le 18 mai
1994, Parlement désigné à la place du CCN.

9
Rapport de mission du 10 septembre 1998.

10
Propos dont a été témoin l’ex-colonel
Mohammed Samraoui, qui était alors responsable du « Service
de recherche et d’analyse » (SRA) du DRS et
travaillait directement avec le colonel Smaïn Lamari (Mohammed
Samraoui, Chronique des années de sang, op. cit.,
p. 162).

11
Forum d’El Moudjahid, 29 juillet 2004.

12
Voir l’affaire Antofurundjzija pour le TPIY ; et
l’affaire Akayesu pour le TPIR.

30 08 2005
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